Le tribunal de commerce de Grenoble a mis en délibéré jusqu’au 15 octobre la liquidation judiciaire de Sintertech. Les 73 emplois de l’usine d’Oloron devraient être supprimés.
Les derniers espoirs des salariés de Sintertech semblent être en passe de s’envoler.
Ce jeudi, le tribunal de commerce de Grenoble a mis en délibéré jusqu’au 15 octobre la liquidation judiciaire de l’entreprise. À moins d’un miracle, c’est 73 emplois qui devraient disparaître à court terme à Oloron, et près de 200 sur les sites isérois de Veurey et Pont-de-Claix.
Pour les employés de l’usine oloronaise, la journée de jeudi aura été émotionnellement chargée. Un mouvement de grève a été lancé sur le coup de 13 heures, alors qu’une audience était organisée une heure plus tard au tribunal de commerce de Grenoble afin de statuer sur l’avenir de l’entreprise.
En redressement judiciaire depuis six mois, la société spécialisée dans la fabrication de pièces en métal fritté semblait avoir trouvé une offre de reprise. Lebronze Alloys avait fait une proposition comprenant le licenciement de 114 salariés, dont 24 à Oloron, ainsi que des concessions sur les salaires. Retournement de situation la semaine dernière : le groupe décide finalement de retirer son offre, laissant le tribunal de commerce sans aucun projet à étudier.
« Je préfère ne pas y penser »
« On nous a dit que Lebronze Alloys allait venir à l’audience avec un autre projet de reprise, mais je préfère ne pas y penser plutôt que de me faire de faux espoirs », explique un salarié en grève sur le site d’Oloron. De longues heures passent sans que personne n’ait vent des discussions ayant lieu à Grenoble. « Ça peut durer longtemps, le temps que le tribunal prenne une décision. C’est la première fois qu’on est dans une telle situation, où le repreneur potentiel fait tant d’atermoiements », relate un employé oloronais.
« Il n’y a pas d’offre »
Au sortir du tribunal, le responsable CGT Jean-Bernard Etchemendy apportait de mauvaises nouvelles à ses collègues. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’offre. Le tribunal va rendre son délibéré mardi 15 octobre, et sachez qu’on va vers une liquidation de l’entreprise ». Lebronze Alloys était bien présent à l’audience, mais le tribunal a estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour pouvoir retenir un projet. « Ce repreneur avait un attrait pour notre technologie, mais il s’y est vraiment mal pris, à tout point de vue. Les délais sont passés très vite, et aujourd’hui on voudrait mettre la faute sur les salariés, qui soi-disant n’ont pas donné leur aval. La réalité, c’est que nous n’avons pas voulu donner un blanc-seing sans aucun éclairage sur ce que serait le projet ».
« Dans cinq jours, il n’y aura sans doute pas d’autre solution que la liquidation. Je ne vois pas un projet de reprise arriver dans ce laps de temps », explique Jean-Bernard Etchemendy, qui ne comprend pas « pourquoi si peu d’industriels se sont intéressés à une boîte qui avait de tels atouts. La seule entreprise française qui maîtrisait encore la technologie de la métallurgie des poudres va disparaître ».
« Maintenant, il faut se soutenir entre nous et mettre en œuvre les valeurs de solidarité que les employés ont toujours eu dans cette entreprise », annonce le syndicaliste. « Si jamais un industriel venait à proposer quelque chose pour Oloron, on l’étudiera. On a toujours dit qu’on ferait le maximum pour sauver l’essentiel de cette boîte. Il ne faut pas baisser les bras ».
De Federal Mogul à Morin, un difficile parcours ponctué de licenciements
Sécialisée dans la production de composants en métal fritté (pour moteurs, boîtes de vitesse…), Sintertech connaissait des difficultés liées au repli du marché automobile depuis de nombreuses années. Au fil de plans de licenciement successifs, la boite est passée de 200 à 73 salariés, jusqu’à sa probable liquidation judiciaire qui devrait survenir le mardi 15 octobre prochain.
En 2009, l’usine d’Oloron, alors aux mains du groupe américain Federal Mogul, avait été touchée par un plan social conduisant au licenciement de 26 salariés. Au deuxième trimestre 2012, Federal Mogul annonçait vouloir se séparer de sa filiale Sintertech. Le groupe affichait une perte sèche de 59 millions d’euros « liée à sa restructuration » et à la baisse de production de véhicules légers en Europe.
En mars 2013, Sintertech a été cédée à la société TMC, dirigée par Thierry Morin, ex-PDG de Valéo (équipement automobile). Une reprise en main que la CGT avait qualifiée de « violente sur le plan social », et qui s’était traduite par 27 licenciements en 2015 sur le site d’Oloron.
Sintertech a été placée en redressement judiciaire en mars 2019. S’en est suivie une procédure longue de six mois, lors de laquelle 14 investisseurs se sont intéressés au dossier, dont un industriel chinois et un italien. Finalement, aucune offre de reprise n’a abouti : « Un vrai gâchis », commentait ce jeudi le responsable syndical CGT Jean-Bernard Etchemendy.
« Garder la tête haute »
« Dans les jours à venir, ça va être très dur pour chacun d’entre nous de se projeter pour retrouver un boulot. On va certainement se retrouver face à des échéances personnelles difficiles », a expliqué le responsable syndical CGT Jean-Bernard Etchemendy ce jeudi face aux salariés et aux soutiens réunis devant le tribunal de commerce de Grenoble. « Il faut continuer à avancer : on va tous garder la tête haute. Notre travail, on l’a bien fait jusqu’au bout. On n’a rien sabordé, rien saccagé. Des gens doivent avoir des problèmes de conscience beaucoup plus grands que les nôtres ».