Vallée d’Aspe : trop de poids lourds, la grogne monte

Fév 10, 2018 | Presse française, Routier

Vallée d’Aspe : trop de poids lourds, la grogne monteEn l’espace d’une heure et demie, mercredi, nous avons compté 50 camions, dans le sens Espagne-France.

 

Sur la RN 134, déjà engorgée de camions, une augmentation se fait sentir depuis janvier. Explications.

Une noria de camions, des files successives jusqu’à cinq, voire six poids lourds, « du jamais vu » : voilà ce que constatent les habitants de la vallée d’Aspe depuis quelques semaines, sur la RN 134. Une conséquence, pour nombre d’observateurs, de l’instauration d’une « écotaxe » au Pays basque espagnol, le 9 janvier dernier, sur la Nationale 1 reliant Irun à Burgos, où les camions de plus de 3,5 tonnes doivent maintenant débourser 0,34 € par kilomètre, sur une portion de 20 kilomètres pour le moment. Le journal espagnol « El periodico de Aragon » avance un trafic augmenté de 5 à 10 %.

« Sud Ouest » s’est rendu en Aspe pour juger sur pièces de cette augmentation du trafic. Nous avons réalisé, depuis Oloron, un comptage des camions circulant dans le sens Espagne-France mercredi dernier, entre 9 h 30 et 11 heures, et sommes allés à la rencontre des riverains.

« Faudra-t-il un drame ? »

Premier arrêt au bar Chez Germaine, à Asasp-Arros. Déjà sept camions. Voilà vingt-six ans que Germain et Germaine Camarot tiennent le bistrot. « Non seulement on en voit plus qu’avant, confirme Germain, mais ils vont toujours aussi vite en traversant la commune, souvent à plus de 80 km/h. » Et ce n’est même pas profitable pour le commerce, parce qu’il n’y a pas de quoi garer les engins à proximité. À Asasp-Arros, on connaît bien le problème des camions.

Un collectif qui prône le désenclavement du village se bat contre la dangerosité qu’apportent les poids lourds. « Le radar pédagogique installé sur notre commune clignote dans tous les sens, ils défilent à des vitesses excessives tout en se suivant. Si l’un d’eux doit piler, on verra s’encastrer quatre ou cinq camions. Faudra-t-il un drame pour qu’on s’en préoccupe ? On est impuissant aujourd’hui, on s’est adressé à des ministres qui ne le sont plus, à des sénateurs qui ne répondent pas… », soupire Bernard Mora, le maire d’Asasp-Arros, un brin amer.

Une quinzaine de camions plus tard, voilà Sarrance. Chez Euro Importation, on peut venir se ravitailler en essence, mais aussi trouver des pièces pour son véhicule. « Les camions ? On n’y fait même plus gaffe, admet Jean Liquet. Mais il y a certains jours où l’affluence est plus importante, c’est évident. »

Ça coince aussi dans le 65

Voilà maintenant Cette-Eygun. Plus de 30 camions à notre compteur. Jean-Claude est assis en bord de route et regarde des ouvriers travailler dans sa maison natale. Ici, les ersatz de trottoirs protègent à peine les piétons des camions, qui passent à toute berzingue. « La commune va faire des trottoirs en avril, avance Jean-Claude. Une bonne idée sur le papier, mais qui va encore réduire la chaussée… »

Autre élément d’explication : depuis quelques jours, le trafic des poids lourds est limité dans les tunnels de Saint-Béat et Bielsa, dans les Hautes-Pyrénées. De quoi garnir une RN 134 déjà bien remplie. Mercredi, en une heure et demie, nous avons compté 50 camions.

La déviation et les moulins

Pierre Saubot est le président de l’Association Béarn Adour Pyrénées, qui s’est saisie de la question de l’encombrement de la vallée d’Aspe depuis longtemps. Pour lui, l’augmentation du trafic sur la RN 134 était « inévitable » : « On ne fera jamais baisser le nombre de camions. On avait constaté une accalmie pendant quelques années, au moment où les États français et espagnol étaient économiquement au plus mal, c’est désormais terminé, et c’était écrit. Le pouvoir central de Madrid ne peut pas faire abstraction d’une 3e voie de communication par le centre, on ne peut pas lutter contre une tendance lourde inscrite dans les faits. Ni se battre contre des moulins à vent. »

Pierre Saubot estime que « la priorité des priorités, c’est de sécuriser les habitants de la vallée d’Aspe. Il faut absolument faire les déviations, pour permettre de rendre la vie supportable à ceux pour qui elle ne l’est plus. Il faudra aussi la nouvelle route Oloron-Lescar, qui permettra de relier plus facilement l’autoroute. Le reste, c’est de la littérature, du rêve. Quant aux routes de Lasseube et Monein, elles ne sont pas faites pour accueillir des 44 tonnes, on l’a bien vu récemment sur la D9 ».

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