Un « Canfranero » européen : le grand mensonge

Avr 14, 2022 | Ferroviaire, Presse espagnole, Relations transfrontalières

DIARIO DEL ALTO ARAGON

Opinion, par Carlos García Martínez, ancien président de la Diputación Provincial de Huesca de 1983 à 1987 (Conseil Général, NdT)

05/04/2022

En 2007, un éditorial du Diario del Alto Aragón disait : « l’analyse critique de la demande ferroviaire montre clairement que ni son tracé ni son développement ne sont compatibles avec une ligne moderne et compétitive, et l’on doit exiger une ligne directe entre Bordeaux, Saragosse et Valence: un chemin de fer du XXIe siècle, différent de celui qui a été dessiné au XIXe, construit début XXe et dégradé puis abandonné ».

Tout d’abord, pour mettre le problème  en perspective, il faut se souvenir qu’un modeste pont a été détruit il y a 52 ans côté français, tout près de la route, et que cet accident, provoqué ou non – les responsables du convoi  n’étaient pas dedans-, a entrainé la fermeture de la liaison ferroviaire internationale. Plus d’un demi-siècle, sans guerre ni fermeture de frontière. Pendant tout ce temps, malgré la constante revendication aragonaise de restaurer la ligne – renforcée ces derniers temps, presque chaque jour et avec photos, réclamée par le ministre régional Soro -, la frontière est toujours fermée. Les derniers kilomètres en France n’ont ni rails ni traverses, les tunnels se détériorent et les gares sont vendues. Mais on continue de faire rêver avec des délais fermes.

En 1934, les parents de la philosophe Simone Weil ont passé une nuit à Canfranc, sur le chemin de Saragosse, et ont raconté à leur fille leur expérience: «il y a une gare immense et un labyrinthe de couloirs déserts… Au bout d’une demi-heure, une petite fille qui ne comprenait pas le français nous a conduits à une chambre où nous avons dormi dans un froid de gueux et malgré le manque de couvertures. Au lever, nous n’avons rencontré personne à qui payer la chambre. Les douaniers, en nous voyant venir, nous ont fait monter dans le train. Nous pensions que quelqu’un viendrait nous faire payer, mais personne n’est venu. Nous avons donc été logés gratuitement à Canfranc».

En 1948, la Poste a fait savoir que la liaison ferroviaire avec la France était fermée au transport de correspondance et demandait de ne pas envoyer de journaux car la distribution ne se faisait plus en  France. Neuf ans plus tard, venant de Jaca en moto, nous avons pris notre petit déjeuner à Canfranc, ma future femme et moi, avec des cousines qui y tenaient un bar désert.

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En 2.003, Labarrère, maire et président de la communauté de communes de Pau, a dit au cours d’un débat télévisé : « ceux qui disent que nous aurons un train entre Pau et Canfranc sont des menteurs, des imbéciles et des ignorants : nous ne voulons pas de contes de fées, nous ne l’aurons jamais ». En référence aux investissements de la communauté de communes, il a été dit que la réouverture était « un rêve imbécile ». La même année, Laserre, président du département frontalier, a proposé de donner la priorité à la modernisation des routes et que la moitié des investissements prévus pour le chemin de fer soit reportée sur la route du Somport.

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Lisez ce que Pascual Ascaso vient d’écrire : « Ne vaudrait-il pas mieux se taire ? On nous raconte aujourd’hui que le Canfranero aura l’écartement européen et sera électrifié en 2040. Combien de  réunions se sont tenues depuis qu’un malheureux petit pont s’est effondré ?… Ne vous faites pas d’illusions, il ne se passera rien en 2040, à part de nouvelles annonces… Comment croire qu’un jour les  Pyrénées Centrales seront traversées par une ligne à basse altitude ? On peut peut-être espérer une gare, mais pas un train ».

Tout ce qu’on investit sur l’ancienne ligne est un cadeau fait aux villages situés sur le trajet, leur permettant de se rendre de Huesca à la grande gare de Canfranc. De Saragosse à la frontière on finira bien un jour par passer par le barreau abandonné de Turuñana, le long du Gállego, et par aller en France par un nouveau tunnel entre Bedous et Villanúa.

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