Jean-Cyril Spinetta estime que la France n’a plus besoin de nouveaux TGV.
Le rapport Spinetta sur la réfor-me de la SNCF ne fait pas l’unanimité. Le gouvernement entre en terrain miné.
Remis jeudi matin à Édouard Philippe, le rapport Spinetta sur l’avenir de la SNCF n’est-il pas en train de ressusciter une bataille du rail dans laquelle le gouvernement pourrait renifler l’odeur de la poudre ? Invité hier matin de France Inter, l’auteur du rapport a justifié son diagnostic et ses propositions, les qualifiant de « mesures de bon sens » et bien précisé qu’il ne prônait absolument pas « une privatisation de la SNCF, d’ailleurs impossible. »
S’il est soutenu par le gouvernement, dont le ministre de l’Économie Bruno Le Maire pour qui, « si on ne fait rien, la SNCF va droit dans le mur », l’ancien PDG d’Air France a cependant ligué contre lui pas mal de monde. Les syndicats d’abord. Lui aussi invité de France Inter, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, pas du tout refroidi par les défilés contre la réforme du marché du travail, a d’ores et déjà appelé à une journée nationale de manifestation des cheminots le 22 mars prochain pour protester contre « la casse de la SNCF. »
« Il faudra qu’on m’explique en quoi le statut des cheminots est la cause des problèmes et des incidents que rencontrent aujourd’hui bon nombre de voyageurs », a-t-il avancé. Le patron de la CGT n’a pas exclu des arrêts de travail. Pas sûr que la perspective enchante les usagers, déjà excédés par les pannes à répétition de l’entreprise. Usagers qui, eux aussi, ont fait savoir que la possible fermeture de milliers de kilomètres de lignes, jugées sous-utilisées, ne recevrait pas leur feu vert, car cela se traduirait par un recours accru à la voiture.
« Respecter sa parole »
Les Régions vont elles aussi monter au créneau et seront reçues mardi matin par la ministre des Transports Élisabeth Borne. Au-delà des Régions (dont bien sûr Nouvelle-Aquitaine et Occitanie) qui réclament toujours la grande vitesse alors que Jean-Cyril Spinetta estime que la France n’a plus besoin de nouveaux TGV, le rapporteur se fait tacler pour « sa méconnaissance de la réalité du transport ferroviaire dans les territoires ». Ce dernier préconise en effet de redéployer les crédits aujourd’hui affectés par l’État dans les CPER (Contrats de plan État-Régions) vers la partie la plus fréquentée du réseau.
Une suggestion qui fait bondir les Régions. « L’État doit respecter sa parole », avertit l’élu de Bourgogne/Franche-Comté Michel Neugnot, chargé des transports à l’association Régions de France. Un point du rapport qui ravit tous ceux qui présentent le pouvoir actuel comme trop parisien et trop technocrate – et pas seulement Laurent Wauquiez. Au point que le député macroniste du Médoc, Benoît Simian, a tenu à rappeler hier que « supprimer les petites lignes SNCF, c’est asphyxier les territoires. »
Bussereau met en garde
Le chiffon rouge des « petites lignes » en viendrait presque à faire passer au deuxième plan l’ouverture à la concurrence, de toute façon programmée et moins conflictuelle, et la transformation du statut des cheminots. Une profession que connaît très bien Dominique Bussereau, lui-même issu d’une famille du rail et ancien secrétaire d’État aux Transports de 2002 à 2004 et de 2007 à 2010. Et il rappelle qu’en contrepartie de leur statut, les cheminots « sont plutôt mal payés. Modifier leur statut devra alors s’accompagner d’une révision salariale. »
Président du département de la Charente-Maritime et de l’Association des Départements de France, Dominique Bussereau a bien l’intention de s’immiscer dans le débat, même si la réforme territoriale a retiré la compétence des transports aux départements. « Nous mettons de l’argent dans les CPER et nous participons à l’aménagement du territoire, rappelle-t-il. Donc, pas question de nous tenir à l’écart de la concertation qui va s’engager. »
L’ancien ministre, peu suspect d’opposition frontale à l’actuel gouvernement, qualifie d’ailleurs de « courageuses et novatrices » la plupart des propositions du rapport, tout en déplorant la partie consacrée à la grande vitesse. Et sans doute échaudé par les infortunes à Matignon de son ami Alain Juppé, il met en garde contre une concertation trop rapide avant l’examen de la loi d’orientation des mobilités. « Elle est prévue en avril. Mieux vaut donner deux mois de plus au débat. »