Si elle n’a pas été la même au 1er février suivant les tronçons et les concessionnaires, elle alimente l’exaspération des usagers.

Dans la froidure de février, deux sujets échauffent les sangs de l’association 40 Millions d’automobilistes : la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire et la hausse annuelle des tarifs autoroutiers. « Des pratiques scandaleuses qui creusent le fossé des inégalités sociales entre ceux qui ont les moyens de se payer l’autoroute et ceux qui ne les ont pas », dénonce-t-elle. Chaque année à pareille époque, la grogne revient avec la récurrence de la grippe saisonnière. Décryptage.

1. Des hausses prévues au contrat de concession

Les nouveaux tarifs autoroutiers s’appliquent toujours à compter du 1er février. Les 18 sociétés d’autoroute qui se partagent le réseau concédé français ne décident pas seules de l’évolution des prix. Chacune d’entre elles soumet ses propositions à l’État, qui est censé s’assurer de leur conformité avec le contrat de concession. Les critères qui encadrent la hausse tarifaire suscitent d’autant plus de mauvaise humeur qu’ils restent hermétiques aux usagers.

Sud Ouest

Les hausses sont différentes d’un opérateur à l’autre et d’un tronçon autoroutier à l’autre. Brocardé pour ses tarifs élevés depuis l’ouverture de l’A 65 Langon-Pau en décembre 2010, A’lienor se singularise ainsi avec un coup de pouce de 3,5 % pour cette année 2018.

Les hausses peuvent également compenser de nouvelles obligations qui pèsent sur les sociétés autoroutières

Pour faire simple, disons que les modulations de tarif sont pour partie assises sur l’inflation mais aussi, pour les concessions les plus récentes, sur des critères tels que l’indice du coût des travaux publics. Les hausses peuvent également compenser de nouvelles obligations qui pèsent sur les sociétés autoroutières. Conclu en 2015, le premier plan de relance autoroutier du quinquennat Hollande – 3,3 milliards d’euros de travaux de modernisation du réseau existant – s’accompagnait ainsi d’une augmentation de la fiscalité pour les concessionnaires, celle de la redevance domaniale. Elle est compensée dans les trois hausses de tarif au péage qui jalonnent la période 2016–2018.

2. L’État, une autorité pleine de mansuétude

L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) a sévèrement jugé le deuxième plan de relance autoroutier du quinquennat Hollande, décidé en 2016. Estimé à 803 millions d’euros, il faisait appel à la générosité de l’automobiliste, avec des hausses de péage supplémentaires comprises entre 0,1 % et 0,4 % entre 2019 et 2021 pour financer de nouveaux chantiers. « L’Arafer estime qu’il n’apparaît pas justifié de faire supporter par l’usager de l’autoroute le financement de 23 opérations, représentant environ 34 % du coût total de construction du plan », indiquait le régulateur en juin 2017, après l’examen serré de la liste des travaux. Le dossier a été transmis au Conseil d’État, qui ne s’est toujours pas prononcé. Le gouvernement Philippe n’a pas rendu ses arbitrages sur le sujet.

Sud Ouest

Mais ce camouflet au gouvernement précédent a pris la suite d’une longue série de remontrances adressées à l’État pour son excès de mansuétude. En juillet 2013, la Cour des Comptes accablait ainsi l’administration, incapable de négocier sur un pied d’égalité avec les concessionnaires. « Tout investissement est compensé par une hausse des tarifs », dénonçait-elle. Puis, en septembre 2014, l’Autorité de la concurrence qualifiait de « rente » la « rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires d’autoroute ». À la grande colère de ces dernières.

3. Le vrai-faux gel des tarifs de l’année 2015

Quand l’État tente de reprendre la main, il ne fait pas montre d’une formidable habileté. Exemple caricatural : le gel des tarifs de l’année 2015. À l’époque, soucieux de faire oublier sa dispendieuse capitulation sur l’écotaxe poids lourds, le gouvernement socialiste avait roulé des mécaniques en imposant le gel des péages aux sept sociétés « historiques » (pas A’lienor sur l’A 65 ni Atlandes sur l’A 63, par exemple) au 1er février.

Les concessionnaires avaient le droit pour eux. Le gel devait donc faire l’objet d’un rattrapage ultérieur

La décision de Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, était en dehors des clous. Les concessionnaires avaient le droit pour eux. Le gel devait donc faire l’objet d’un rattrapage ultérieur. « La compensation de ce gel sera assurée par des hausses spécifiques des tarifs de péage qui s’étaleront entre 2019 et 2023. La hausse supplémentaire des tarifs de péage qui résulte de la compensation du gel tarifaire en 2015 représente des recettes cumulées de l’ordre de 500 millions d’euros (courants), sur la durée restant à courir des concessions », constatait l’Arafer dans son rapport 2016. Au 1er février prochain, l’automobiliste devra donc commencer à payer la facture du caprice gouvernemental de 2015…

Privatisation

Les débats sur les prix des péages prospèrent depuis la privatisation totale des sociétés d’autoroute « historiques » en 2006 par Dominique de Villepin, alors Premier ministre de Jacques Chirac. En 2002, l’État avait déjà procédé à une privatisation partielle. En 2006, ces sept machines à cash ont été cédées pour 14,8 milliards d’euros à Vinci (ASF, Cofiroute, Escota), Eiffage (APRR, Area) et Abertis (Sanef, SAPN). Leurs différentes concessions courent jusqu’aux années 2030.

En 2014, l’Autorité de la concurrence s’est émue du fait que les prix des péages avaient augmenté plus vite que l’inflation depuis la privatisation. Elle notait aussi que, dans le même intervalle de temps, les sociétés d’autoroute avaient distribué 14,6 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Particulièrement vive lors de la discussion du premier plan de relance autoroutier du quinquennat Hollande, la polémique s’est déplacée sur le possible rachat par l’État des sociétés dont il s’était défait dix ans plus tôt. Sans lendemain.