Aussi monstrueuse soit-elle, la mécanisation n’empêche pas les efforts manuels de précision et correction des écarts. Ni le travail de force parfois nécessaire pour rectifier le tir
Des travaux colossaux expliquent l’arrêt du trafic ferroviaire pour tois mois. Reportage à Saint-Gaudens, où les hommes voisinent avec un mastodonte
A l’approche du train chantier de la SNCF, l’odeur persistante de l’usine de papier de Saint-Gaudens est déjà un lointain souvenir. L’interminable convoi de 750 mètres et 2 500 tonnes qui refaçonne la voie du Pau-Toulouse a démarré. L’odorat s’éteint, l’ouïe et la vue en redemandent.
Au cœur du mastodonte, une quarantaine de bonshommes accompagne le lent mouvement de la machine. Les uns tapent dur sur des masses pour encastrer les boulons d’une éclisse, d’autres finissent d’écarter les vieux rails à la barre mine, d’autres encore contrôlent des écarts ou l’aspect du nouveau matériel.
Français et Italiens
Ces fourmis orange sont placées au cœur d’un énorme wagon d’acier et de vérins. Un « train de substitution » qui avale les vieilles traverses usées (les blocs de béton sur lesquelles sont posés les rails) et les remplace par des nouvelles. Le tout en progressant sur l’écartèlement des vieux rails et la dépose des nouvelles tiges de 300 mètres.
Ici, les ouvriers parlent italien et français. Si le chantier est piloté par la SNCF, le train de substitution est propriété de la société GCF, sous-traitant du groupe Transalp.
Les hommes se répartissent en huit postes de travail. Depuis cet incroyable groupe caché sous le ventre du train pour ramasser les débris de métal et préparer la pose, jusqu’aux soudeurs qui découpent les rails usagés. Au milieu, le conducteur s’assure du maintien de l’espacement avec la deuxième voie. Autant de preuves de la supériorité de l’homme sur la machine.
Le bruit assourdissant revient par vagues. Deux portiques roulent sur le toit du train qu’ils enserrent de leurs quatre longues pattes. Ces deux immenses araignées sont semblables à celles qui dispatchent les containers à Rotterdam. La première attrape les nouvelles traverses de béton dans les wagons de tête. La seconde les ramène jusqu’au train de queue qui les dépose sur le ballast. Les traverses usagées obéissant au trajet inverse.
L’histoire de la sidérurgie
Au pied du train, ce sont les rails qui changent de couleur. Mine de rien, c’est une page de l’histoire sidérurgique française qui se tourne. On distingue sur les vieux rails la mention « Escaut 64 » qui renvoie à l’ancienne société Lorraine-Escaut basée à Longwy (Meurthe-et-Moselle). Le chiffre complémentaire désigne l’année de sorties des usines : 1964. Les nouveaux rails siglés « HY 17 » sont l’œuvre récente des derniers ateliers sidérurgiques de l’hexagone, ceux d’Arcelor à Hayange (Moselle).
Une infime partie du chantier
Après ce premier géant, un second train aussi long baptisé « dégarnisseuse » renouvellera le ballast en gardant les cailloux les moins travaillés et en ajoutant le sang neuf des carrières de Bagnac (Lot) et Verneuil (Haute-Vienne). Même à vitesse très réduite, on voit du pays.
Ce spectacle suffirait à expliquer les trois mois que durera ce chantier entre Boussens et Tarbes (lire ci-dessous). Le deuxième volet d’une opération menée tous les hivers jusqu’en 2020. La région Occitanie ayant ciblé les mois d’octobre à février comme étant les moins fournis en pèlerins de Lourdes dans ses trains. Mais ce chantier n’est pas le seul en cours. La SNCF profite de l’arrêt de la ligne pour renouveler ses caténaires. Ces mastodontes d’un autre genre sont actuellement postés entre Tarbes-Lannemezan.