Pau-Canfranc : le rapport qui ne fait pas du bien au projet de liaison ferroviaire

Fév 2, 2018 | Ferroviaire, Presse française

   
  • Pau-Canfranc : le rapport qui ne fait pas du bien au projet de liaison ferroviaire
    Avec ce rapport, l’option de l’amélioration des lignes existantes gagne en consistance.

    Eric Normand
  • Pau-Canfranc : le rapport qui ne fait pas du bien au projet de liaison ferroviaire
    Un mauvais coup pour la Pau-Canfranc ? Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures estime que le projet répond à une démarche « locale » et qu’il ne justifie pas « la mobilisation de moyens financiers » de la part de l’Etat.

    Archives Ascencion Torrent
PAR ERIC NORMAND ET ERIC BÉLY, PUBLIÉ LE .

Pour le Conseil d’orientation des infrastructures, l’Etat n’a pas à financer la liaison ferroviaire Pau-Canfranc. Si le gouvernement suit, il faudra trouver d’autres financements.

En plus de considérer la LGV Bordeaux-Dax comme non prioritaire, le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) s’est aussi penché, dans un rapport remis au gouvernement, sur le projet de liaison ferroviaire Pau-Bedous-Canfranc. Un projet porté par le conseil régional mais que la commission considère toutefois comme « peu susceptible de capter un trafic de fret et de voyageurs significatif ».

Tout en relevant que cet aménagement « pourrait bénéficier de financements européens au titre de son caractère transfrontalier », les experts pointent qu’« il s’agit avant tout d’une démarche locale dont le caractère prioritaire pour l’Etat n’apparaît pas clairement ». Et de considérer qu’il « n’est donc pas utile de mobiliser des financements nationaux pour ce projet ». Traduction, mieux vaut sonner à d’autres portes.

L’EUROPE D’ABORD

Cet avis intervient alors que le déboisement du tronçon Bedous-Canfranc a récemment débuté et que l’Union européenne a par ailleurs indiqué cet été assurer 50 % du montant des études pour la réouverture. Soit 7,5 sur les 15 millions d’euros nécessaires. Mais la remise en service du tronçon est évaluée à 450 millions d’euros. Les régions Aquitaine et Aragon, en Espagne, espèrent l’appui des Etats pour mener à bien ce projet. L’avis du COI, que le gouvernement n’est pas obligé de suivre, devrait toutefois compliquer ce dessein et imposer la quête d’autres financements.

Un coup dur pour Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, pour qui la réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Bedous-Canfranc-Saragosse est un grand cheval de bataille ? « On ne prend pas cet avis du Conseil d’orientation des infrastructures comme un revers », assure-t-on au sein de sa garde rapprochée. On veut même y voir une sorte de feu vert : « En clair, l’État donne toute sa confiance pour que la Région et l’Europe poursuivent ce chantier d’intérêt régional. » On rappelle aussi que « la Région Aquitaine n’avait ni sollicité ni reçu d’aides de l’État pour la réouverture de Pau-Oloron et Oloron-Bedous ». De là à penser qu’il faudra interpréter un éventuel refus de financement de la part de l’État comme le signe que la Pau-Canfranc se fera, il y a un pas qu’il paraît délicat de franchir.

Quoi qu’il en soit, les détracteurs du projet trouvent dans le rapport remis au gouvernement matière à satisfaction. A commencer par la conseillère régionale béarnaise du FN Claudie Cheyroux : « C’est un demi-milliard d’euros qu’Alain Rousset voulait engloutir pour 33 km fermés depuis 47 ans ! Alors qu’il y a tant de besoins sur le réseau TER vétuste et dégradé, utilisé lui quotidiennement par les Aquitains… » Marc Oxibar, conseiller régional LR, voit dans le passage du rapport Duron visant la Pau-Canfranc « le seul éclair de lucidité » d’un texte qui annonce par ailleurs « le report aux calendes grecques des projets d’aménagement de nouvelles lignes au sud de Bordeaux, et notamment la liaison Bordeaux-Dax essentielle pour notre désenclavement, reportée au-delà de 2037 ».

LA BATAILLE CONTINUE

Du côté du CROC (Comité contre la réouverture de la ligne Oloron-Canfranc), le coprésident de l’association Georges Manaut veut croire que l’avis du comité d’orientation sera décisif : « C’est un jugement clair et net : ce projet ne présente aucun intérêt pour l’État et ne justifie aucun financement de sa part. Le CROC (…) se félicite qu’à l’échelle nationale, une analyse collégiale d’experts et observateurs qualifiés ait pu rappeler au bon sens dans l’appréciation des urgences et priorités (…).»

Mais Alain Rousset n’est pas le seul à afficher plus que jamais sa foi concernant la Pau-Canfranc. Le Creloc (Comité pour la réouverture de la Pau-Canfranc) affirme sa détermination. « Nous sommes plus motivés que jamais, assure ainsi le vice-président François Rebillard. Et l’Espagne continue de pousser dans ce dossier. L’État n’a qu’une vision comptable. Mais l’augmentation du trafic de camions en vallée d’Aspe peut peser très lourd sur le court terme et donner à l’État des éléments très favorables au projet. » La bataille de la Pau-Canfranc continue…

Avec ce rapport, l’option de l’amélioration des lignes existantes gagne en consistance.
Avec ce rapport, l’option de l’amélioration des lignes existantes gagne en consistance.

Crédit photo : Eric Normand

LA LIGNE À GRANDE VITESSE VERS LE 64 N’EST PAS PRÈS DE VOIR LE JOUR

► Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures donne la priorité à la ligne LGV vers Toulouse. Contrairement à la liaison Bordeaux-Dax.

La ligne à grande vitesse (LGV) vers le 64 n’est a priori pas près de voir le jour. Le Conseil d’orientation des infrastructures a en effet remis ce jeudi ses préconisations au gouvernement. Dans un contexte de forte tension sur les finances publiques, ce groupe, composé d’experts et de parlementaires, avait pour mission de hiérarchiser les grands projets structurants étudiés en France.

► Dax au mieux après 2037

Et pour celui qui nous concerne directement, celui des LGV GPSO (Grand projet du Sud-Ouest) qui prévoit l’aménagement de nouvelles lignes au sud de Bordeaux, respectivement en direction de Toulouse et Dax, les rapporteurs n’ont pas fait dans la demi-mesure.

Clairement, la priorité est donnée à une nouvelle ligne vers Toulouse mais avec un nouveau phasage et une priorité au traitement des nœuds ferroviaires aux entrées des gares de Toulouse et Bordeaux. Si plusieurs scénarios sont proposés, il s’agirait de traiter ces ralentissements sur la période 2018-2022, puis Toulouse-Agen sur 2028-2032 avant Bordeaux-Agen sur 2033-2037.

Et c’est une fois ce dossier finalisé que la desserte vers Dax, qui permettrait aux Béarnais de gagner une vingtaine de minutes dans leur trajet vers Bordeaux ou Paris, serait envisagée. C’est-à-dire, dans le meilleur des cas, après 2037.

Bref, il semble bien que cet aménagement, que le précédent gouvernement avait annoncé pour 2027 mais qui est par ailleurs très contesté sur le terrain, aura du mal à voir le jour. D’autant que le président de la République et le gouvernement ont dit plusieurs fois vouloir donner la priorité aux trains du quotidien. Au regard des préconisations du rapport, l’option de l’aménagement des lignes existantes gagne donc encore plus de corps. Voilà qui ne laisse pas de marbre Marc Oxibar, conseiller régional LR, qui dénonce « un abandon pur et simple de notre région dans ce rapport ».

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