Ours, finances, social : le 64 rappelle à l’ordre l’Etat

Avr 6, 2018 | Economie, Numérique, Presse française, Routier

  • Ours, finances, social : le 64 rappelle à l’ordre l’Etat
    Pour le président Lasserre, il y a bien d’autres sujets que l’ours pour les montagnes.

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    Ours, finances, social : le 64 rappelle à l’ordre l’Etat
    La Cité de l’océan, à Biarritz.

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PAR PIERRE-OLIVIER JULIEN, PUBLIÉ LE , MODIFIÉ .

La séance du conseil départemental, ce jeudi, a donné l’occasion aux élus de cibler à plusieurs reprises la responsabilité de l’Etat.

Menu allégé ce jeudi pour cette session de printemps au conseil départemental. Dix délibérations seulement dont les élus auront réussi à débattre en une matinée (étirée jusqu’à 14h). Plutôt rare. « Un avis de calme plat que vous nous délivrez là, à croire que vous voulez nous embarquer pour une brève croisière sur mer d’huile » a ironisé d’entrée Henri Etcheto, chef de file du groupe de gauche. Regrettant que le Département ne se penche davantage sur les questions d’actualité chaude comme les transports (SNCF), les Ehpad, le traitement des réfugiés.

Et pourtant, le président Jean-Jacques Lasserre venait justement d’aborder un sujet brûlant. Celui de l’ours et du projet de réintroduction de deux femelles prévue à l’automne en Béarn. « Nous ferons preuve de la plus grande vigilance sur ce dossier. Nous avons la chance d’avoir une montagne vivante, le pastoralisme en est un des symboles » a débuté le patron du 64. Rappelant que la question de l’ours est en débat depuis 30 ans, « un sujet qui fracture, chacun le sait », Jean-Jacques Lasserre a précisé que le Département participera « activement » à la concertation annoncée.

L’ours, « pas une priorité »

« Notre montagne est vivante mais elle est aussi extrêmement fragile. Si l’Etat a besoin de la montagne pour l’ours, je considère qu’il existe beaucoup d’autres sujets pour lesquels la montagne, nos vallées, attendent en vain un signe de l’Etat : pastoralisme, hydroélectricité, routes… autant de thèmes qui méritent des réponses de l’Etat ». Faut-il donc traiter de la question de l’ours ? « Oui, mais j’affirme que ce n’est pas une priorité. En l’état actuel des choses, les manifestations de rejet s’expliquent, peuvent se comprendre ».

Une position lourde de sens qui s’est suffi à elle-même. Et à l’assemblée. Mais une critique de l’attitude de l’Etat qui en a ouvert la porte à bien d’autres au cours de cette session. Le président Lasserre, toujours, à propos des nouvelles règles de l’Etat qui souhaite canaliser les dépenses de fonctionnement des collectivités « et, in fine, à une échéance fixée à 2022, leur interdire le recours à l’emprunt ».

Si le 64, bon élève « grâce à la rigueur de notre gestion », peut envisager un plafond d’augmentation de ses dépenses de 1,35 % (contre 1,2), pas question cependant d’accepter le possible dispositif de péréquation pour soutenir les départements en difficulté à propos des allocations individuelles de solidarités.

« L’Etat n’y mettrait que 200 millions sur les 600 nécessaires, le reste devant être réparti entre les départements considérés comme les plus riches, auxquels nous appartenons. Nous ne pouvons accepter ces propositions car elles grèveraient sérieusement nos capacités à poursuivre notre politique de solidarité envers nos propres territoires et populations. Comment participer par exemple aux travaux comme le contournement d’Oloron, aux côtés de l’Etat, si celui-ci nous interdit à l’avenir de recourir à l’emprunt » constate Jean-Jacques Lasserre.

Autant de défiance vis-à-vis de la politique macronienne qui a pu surprendre Henri Etcheto qui était resté sur de récentes déclarations du président Lasserre se disant « séduit par le président Macron ». « Je n’ai jamais sacrifié à l’adhésion béate » a bien précisé le patron du 64, en rappelant aussi ses désaccords de point de vue sur le financement de l’accueil des mineurs isolés par exemple, ou encore sur l’éventuelle suppression de la taxe du foncier bâti au département.

Pas de hausse des taux

« Vigilance et détermination » restent donc les mots-clés à la bouche de la gouvernance du département. Ce qui n’empêchera pas à nouveau cette année de ne pas actionner le levier fiscal, en maintenant les mêmes taux. « C’est un signe fort au regard des difficultés actuelles. On reste aussi le taux le plus bas de Nouvelle-Aquitaine » a rappelé le président.

La prise en charge des mineurs isolés coûte plus de 6 millions par an

Lors de la séance de février déjà, le constat sur les mineurs non accompagnés (MNA) était là : depuis 2013, leur nombre est en forte progression. Ce qui a conduit le Département à chercher de nouvelles solutions d’accueil. Une question délicate qui est revenue en débat ce jeudi.

D’abord par l’entremise du président Lasserre, sur le plan financier. « La prise en charge des MNA est passée en quelques années, pour le 64, de moins de 1 million à plus de 6 millions d’euros par an ». Or l’Etat propose d’augmenter de 5 à 25 jours la prise en charge du mineur durant sa période d’évaluation. « Mais concernant la prise en charge globale, pour laquelle l’Etat accorde aujourd’hui 12 000 €, la question du prolongement de cette participation n’est pas réglée ».

« C’est un sujet aussi très humain » a soulevé Henri Etcheto, qui s’inquiète des conditions d’accueil après un témoignage mettant en cause le traitement des réfugiés sur la côte basque. « La juge pour enfants nous a encore cités en exemple il y a quelques jours » a défendu Annick Trounday.

« Notre responsabilité »

« Par principe de précaution, on les accueille tous, le temps de vérifier leur minorité. Nos agents travaillent jour et nuit, on donne aussi plus de 1 million aux associations pour la prise en charge ». Sans éluder la possibilité de liens entre certains MNA et le phénomène de radicalisation, le président Lasserre a confirmé l’aptitude du département à héberger les mineurs : « C’est de notre responsabilité, mais sa traduction financière doit être revue et corrigée ». En outre, la collectivité a mis en place une mission d’observation pour voir comment continuer à les accueillir de manière qualitative.

Ce qu’il faut aussi retenir

Très haut débit : le syndicat mixte ouvert enfin créé

Enjeu majeur pour le 64, le déploiement du très haut débit, d’ici 2022 sur 90 % du territoire, passait ce jeudi, d’abord, par la création d’un syndicat mixte ouvert avec les intercos du département. « Un travail avait été effectué par la majorité précédente » a voulu rappeler Jean Arriubergé, en relisant en détail la délibération prise en février 2015. « Ce qui nous différencie de vous, c’est que vous étiez dans la déclaration d’intention, nous, on agit » a répondu le président Lasserre qui a annoncé l’organisation d’une rencontre à Pau le 26 avril sur le très haut-débit et ses retombées économiques.

Soutien financier : la spécificité des communes nouvelles

Le Département a revu sa politique de soutien financier aux communes. Et notamment avec une aide pour un bâtiment communal par localité. « Mais pour les communes nouvelles qui ont deux mairies, deux cimetières, deux églises » s’est inquiété Jean-Claude Coste, maire (concerné) d’Ance-Féas. « Ce sera pris en compte » a assuré Jean-Jacques Lasserre.

Biarritz : la « galère » de la Cité de l’océan

Qu’est-allé faire le Département dans cette galère ? C’est en substance ce qu’a demandé Marie-Christine Aragon à l’heure d’évoquer la situation critique de la Cité de l’océan de Biarritz, épinglée par la Chambre régionale des comptes (nos précédentes éditions). Le Département, comme la Région et l’Agglo du Pays basque ayant rejoint la société d’économie mixte pour voler au secours de la ville biarrote. « Mais quelles garanties pour notre collectivité que cela ne devienne pas un tonneau des Danaïdes, qu’il faudra remplir sans fin ? » Pour Max Brisson, « ce type d’investissements connaît toujours des démarrages compliqués. Aujourd’hui, le maire Michel Veunac a mis de l’ordre et a eu raison de positionner cette cité comme un atout touristique pour le département. Sinon, qu’aurait-il fallu faire ? Licencier ? »

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