Elle voudrait que les Béarnais partagent son enthousiasme naturel.
La vie de Sara Goupy est aussi complexe que la fabrication d’un béret ! Logique donc que cette Parisienne (ou presque) pose un jour ses valises en Béarn… Un brin provocatrice, elle affirme sans détour, dans un grand sourire, qu’elle est aujourd’hui la seule à détenir un savoir-faire unique ancré dans la culture et la tradition locale : l’art de la coiffe béarnaise. « C’est pourtant vrai ! »…
Après avoir longtemps cherché sa voie, elle finit par travailler sur… « le travail ! Mais les ressources humaines, ce n’est pas un métier. Il n’y a pas de socle, pas de guide référentiel. J’ai travaillé 20 ans à Paris dans de grands groupes, et puis j’en ai eu marre de ne pas faire mon job correctement, sans pouvoir respecter mes valeurs ».
Un virage à 180°
Sara Goupy tourne la page en prenant un virage à 180°. Direction le Béarn, dont elle ne connaît rien, sinon le voisinage des Landes où habite sa belle-famille. Destination : Oloron, avec ses deux enfants. Une intégration en douceur : « Les Béarnais ne sont pas plus rugueux que d’autres. Et comme ils ne disent pas frontalement ce qu’ils pensent, ça m’arrange bien ». Provoc, quand tu nous tiens…
Elle avoue pourtant avec un clin d’œil : « Je sais que je suis un problème ici ! Le Béarn a une richesse historique et culturelle exceptionnelle, mais les Béarnais sont les seuls à ne pas le savoir ! Ils se plaignent toujours en regrettant le passé, sans proposer de projets, et surtout sans jamais les mettre en place… ».
Oloron donc, avec une amie dans un premier temps, avec laquelle elle convainc Denis Guedon, un ancien de l’entreprise Laulhère alors au bord de la faillite, de leur confier les rênes de la Manufacture de bérets.
Au cœur de la cité
Un long apprentissage pour découvrir tous les secrets de fabrication, sur le mode artisanal, sans les contraintes industrielles. L’aventure très vite se poursuit seule, et tout aussi vite l’obligation de déménager s’impose. « Laulhère remodernisait les ateliers et un magasin, j’étais dans un local inadapté… ».
Direction Orthez cette fois (avec un coup de pouce de la CCLO et une aide attendue de l’Europe avec le programme Leader), pour « être proche de ma zone de chalandise ». Et de préférence au cœur de la cité : « Si tout le monde part dans les zones commerciales en périphérie, il ne faut pas se plaindre de voir les centres-villes étouffer ! ». Son choix ? La rue de l’Horloge. « Entre le Pont-Vieux et le quartier Moncade, c’est une rue avec un très fort potentiel. Trop de gens ici ne s’en rendent pas compte ».
C’est son credo : « Tant pis si je bouscule les habitudes ! Le béret, il n’est pas basque mais béarnais. Pareil pour les espadrilles, pour le tissu… La culture du textile, c’est une histoire forte ancrée dans le territoire, une vraie richesse du Béarn, entre Nay et Oloron. Il y a ici des atouts de dingues, que d’autres utilisent ! ».
Depuis six mois, Sara Goupy fabrique ses bérets rue de l’Horloge. Seule. « Pour l’instant, je ne peux pas envisager de créer un emploi. Je me suis engagée à transmettre mon savoir-faire, mais ce n’est pas l’heure encore. Et puis je ne veux pas que mes secrets de fabrication servent à d’autres… ». Et d’insister : « Je suis seule à décider, et ça me convient. Même si parfois les responsabilités sont lourdes ». Le plus dur ? « C’est parfois compliqué pour l’organisation du travail, les congés… Il n’y a pas de pause possible. Toujours à fond ». La satisfaction ? « Je me verse un salaire tous les mois, et mon process de fabrication me permet d’être la seule à proposer une telle palette de bérets : 11 coloris, dans cinq dimensions différentes, adaptables à toutes les tailles de têtes ».
Des bérets vendus autant pour hommes que pour femmes, en France mais aussi au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Californie, au Canada, en Hollande, en Patagonie… Le plus vendu : le béret noir. « Mais la vraie tradition, c’était le béret bleu marine ! Et je refuse de vendre des bérets noirs aux femmes : c’est trop triste ! Ça tire les traits… ». Sara Goupy a des convictions. Mais vous l’aviez sans doute compris.