Madrelle relance le contournement de Bordeaux

Jan 24, 2017 | Presse française, Routier

Madrelle relance le contournement de BordeauxLa rocade de Bordeaux est aujourd’hui saturée

Cottereau Fabien © / Cottereau Fabien

 

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La rocade étant saturée (et polluée), l’ex-président du Département veut « renverser la table » et remettre ce dossier à l’agenda. Il interpelle le gouvernement

Ce mardi 24 janvier, le ministre des Transports landais Alain Vidalies écoutera le sénateur Philippe Madrelle interpeller le gouvernement sur la situation de la rocade bordelaise. Cet unique tuyau à tout faire qui ceinture la capitale de la Nouvelle Aquitaine et dont l’État achève par tronçons la mise à deux fois trois voies est saturée, asphyxiée. Elle supporte le poids croissant d’un trafic international conjugué à l’arrivée permanente de 15 000 nouveaux habitants annuels, dont deux tiers équipés de voiture s’installent aux portes de la Métropole. A cela s’ajoute une pollution de l’air de plus en plus intense, comme ces derniers jours.

Le pire étant que la thrombose promet d’empirer. Et ce n’est pas l’élargissement au Sud, à deux fois trois voies de l’A 63 entre l’échangeur d’Ondres et la gare de péage de Benesse-Maremnes, chantier de 34 mois qui démarre le 30 janvier, qui dissuadera les camions espagnols d’emprunter le pont Mitterrand ou celui d’Aquitaine.

Philippe Madrelle 20170116_photo_LART6104
Philippe Madrelle 20170116_photo_LART6104

Pour mémoire et les nouveaux Girondins l’ignorent, l’ancien président du département avait lancé l’idée d’un contournement autoroutier le 27 juin 1995 : il y a donc 22 ans !

« Le plat de nouilles »

Si tout avait roulé, il aurait été livré en 2014–2015. Car faisant fi des divergences politiques au nom de l’intérêt supérieur du département, le RPR Alain Juppé avait fait équipe avec le PS Philippe Madrelle, bientôt rejoint par le socialiste Alain Rousset.

Jusqu’à ce que le projet soit plombé par la présentation de trois tracés différents sous le mandat du préfet Idrac à l’ouest et à l’est ! Bientôt surnommé le plat de nouilles par Philippe Madrelle lui-même, le contournement aux trois tracés ouvrit autant de fronts de résistances en terres viticoles. Si le Grenelle de l’environnement acheva d’enterrer le projet, Philippe Madrelle à l’époque lâcha aussi prise, soucieux de préserver la paix des campagnes et sa majorité.

« Il y aura encore plus de camions venus du Sud »

« Sud Ouest » Pourquoi relancer la demande d’un grand contournement autoroutier de Bordeaux ?

Philippe Madrelle Parce que si on veut désengorger la rocade, éviter qu’on mette deux heures le matin pour rallier la rive droite à l’aéroport, exemple parmi d’autres, éviter que les Girondins et Bordelais passent 1 h 20 en moyenne, il n’existe aucune autre alternative que la construction la plus rapide possible d’un grand contournement autoroutier de Bordeaux. À ceux qui professent le malthusianisme en matière d’usage de la route, je rappelle qu’en 1957, le meilleur institut d’études prospectives parlait de 650 000 km de routes dont 83 000 de nationales empruntées par 3,35 millions de voitures particulières et commerciales. Il y a aujourd’hui 32 millions de voitures particulières, pour 63 millions d’habitants et le nombre de kilomètres parcourus a été multiplié par 30.

L’agglomération de Bordeaux n’a pas échappé au phénomène.

Et non ! Des 1,4 million de déplacements quotidiens recensés en 97, nous sommes passés en 2009, date de la dernière enquête exhaustive, tous modes de déplacements confondus à 3,3 millions de déplacements en moyenne des jours de semaines dont 60 % en voitures particulières.

Quel est le coût économique de cette asphyxie ?

La paralysie actuelle de l’agglomération de Bordeaux, qui au passage frappe la presque totalité de la population girondine, a un coût économique exorbitant : 330 000 heures de perdues pour un coût quotidien de plus de 3 millions d’euros sans compter les coûts induits : perte de production, manque à gagner, énergie consommée inutilement, pollution.

La rocade est directement responsable d’une perte de 60 000 heures quotidiennes. Je ne peux me résoudre à une telle gabegie quand je constate que 7 milliards ont été consacrés à la construction de la LGV pour un gain quotidien espéré de 25 000 heures de transport.

La question du trafic de transit européen et international est-elle centrale ?

Évidemment, et les statistiques éditées par l’Union routière de France me font craindre le pire : elles laissent apparaître une croissance moyenne des trafics à la frontière d’Hendaye supérieure à 5 % avec un taux de poids lourds de 35 %, soit plus d’un véhicule sur trois. Le trafic des poids lourds à Hendaye s’es accru de plus de 400 % entre 1985 et 2000, soit plus du double de la moyenne nationale, paralysant la frontière, comme d’ailleurs « Sud Ouest » en a rendu compte le 7 avril dernier. Les camions espagnols sont revenus avec la fin de la crise dans ce pays. Quand le Portugal retrouvera son souffle économique, les ensembles routiers portugais viendront allonger le mur de poids lourds.

Et comme prévu, ces poids lourds ne se reportent pas sur l’A 65, qui voit son trafic stagner en dessous de 6 000 véhicules par jour. L’A 65 est inadaptée à la concurrence de l’A 63 qu’on aménage toujours plus aux caractéristiques autoroutières. Forcément, tout ce surplus de camions passera par Bordeaux. Je rappelle qu’un camion prend la place de 2,5 voitures sur la rocade.

Que dites-vous aux écologistes qui opposent fret ferroviaire ou multiplication des TER ?

Peut-on sacrifier l’économie d’un département pour de l’idéologie. Que dit-on à un peintre à Saint-Laurent-d’Arce qui a renoncé aux clients de Bordeaux à cause des bouchons ? Le fret ferroviaire est mort. Il ne reste plus que 30 000 wagons marchandises à la SNCF contre 170 000 en 1980 et quasiment plus un seul sillon disponible sur le réseau existant. Enfin les TER sont-ils aussi fréquents qu’un tram ? Non. Je ne dis pas qu’il ne faut pas progresser ; je dis que pour dévier un trafic poids lourds promis à augmentation alors que nous sommes déjà à saturation, il n’y a pas d’autre solution non coûteuse pour les collectivités locales qu’un contournement dédié avec très peu d’échangeurs concédés à une société autoroutière. Alors le préfet disposera d’une alternative pour interdire les camions sur la rocade. Si on ne déporte que 10 % des 240 000 véhicules qui passent sur les ponts d’Aquitaine et Mitterrand, soit 24 000 véhicules, le contournement autoroutier est déjà rentable.

Vous dites que Bordeaux est aujourd’hui une exception ?

Ceux qui doutent encore de l’opportunité d’un contournement devraient méditer les exemples du pont de Normandie construit contre l’avis de l’État par la CCI de Seine-Maritime et devenu aujourd’hui indispensable à une progression totalement inattendue du trafic. Même scénario pour le viaduc de Millau. Lyon du temps de Barre a fait ce qu’il fallait. Et je souligne surtout que Montpellier est en train de doubler l’autoroute A 9 pour permettre à la circulation urbaine de respirer à nouveau. C’est le tour de Bordeaux.

Juppé veut des barreaux

Depuis plus de dix ans, la position du maire de Bordeaux a souvent varié dans le temps concernant le grand contournement. Alain Juppé a été ouvertement pour, puis tout aussi ouvertement opposé, ce qui n’a pas toujours facilité la compréhension de ses idées. Mais depuis 2014, elle est stabilisée. En campagne électorale pour les élections municipales, Alain Juppé avait alors présenté un « plan opérationnel mobilité » doté de 80 propositions. Parmi celles-ci, la création de trois barreaux autoroutiers permettant au trafic de transit de contourner l’agglomération de Bordeaux par l’est, sans passer par la rocade.

Selon ce plan, il ne s’agirait pas de créer une nouvelle autoroute de délestage, mais de requalifier des voies qui existent déjà. Le premier de ces barreaux relierait les autoroutes A 63 (Bordeaux-Espagne) et A 62 (Bordeaux-Toulouse). Une sorte de liaison transversale entre Cestas et La Prade (actuel péage), permettant de délester la rocade sud. Le deuxième barreau se situerait entre les autoroutes A 62 et A 89 (Bordeaux-Lyon). Il serait réalisé entre La Prade et Vayres, sur la RN 89 qui conduit à l’A 89, entre Bordeaux et Libourne. Il emprunterait une voirie pour l’instant départementale. Enfin, le troisième barreau serait tendu entre les autoroutes A 89 et A 10 (Bordeaux-Paris). Une extrémité vers Fronsac (avec création d’une nouvelle bretelle), l’autre au niveau de l’échangeur 40b sur l’A 10, à Saint-André-de-Cubzac.

Quel financement ?

Le plan Juppé souligne qu’un automobiliste qui s’amuserait à suivre aujourd’hui les voies départementales permettant ce grand contournement mettrait 1 h 30 entre les autoroutes A 63 et A 10. En prenant la rocade, il ne mettrait que 45 minutes… Mais, souligne Alain Juppé, si la rocade est bouchée, cette durée peut être multipliée par deux ou trois. Enfin, les barreaux sur une voirie requalifiée permettraient de réaliser le trajet plus rapidement. Le plan opérationnel du maire de Bordeaux et président de la Métropole ne dit rien du financement de ce projet.

Pour terminer, on se focalise toujours sur les grands élus de la Métropole ou du Département, mais ils ne sont pas les seuls à réfléchir à la problématique du contournement. Du côté de la Chambre de commerce de Libourne, par exemple, on considère que la saturation de la rocade de Bordeaux est un embarras majeur. Et qu’on ne peut pas s’en tenir à son élargissement à 2×3 voies. Citons également l’association Paloise Dévelop’SO, qui milite pour un super grand contournement : une liaison Langon-Périgueux, puis Périgueux-A20, qui offrirait un axe rapide et non saturé sur via les autoroutes peu fréquentées A 65, nouvel axe, A 89, A 20. À creuser.

Denis Lherm

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