Un rapport national, publié ce jeudi, priorise les projets d’infrastructures routières et ferroviaires parmi ceux déjà engagés pour les 20 prochaines années.
Très attendu, le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures a été remis ce 1er février à Elisabeth Borne, la ministre des Transports. Ce document va servir de base de travail au gouvernement pour prioriser les nombreux projets d’infrastructures routières et ferroviaires, trop nombreux pour les finances publiques. Philippe Duron, qui dirige l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, avait déjà mené un travail similaire il y a quatre ans. Comme lors de la première mouture, il s’est entouré d’experts et de parlementaires, dont Benoît Simian, le député (LREM) du Médoc.
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Le Conseil a dégagé trois scénarios de financement pour les vingt ans à venir. Une première hypothèse à budget constant (48 milliards d’euros), une deuxième qui correspond à un effort notable (60 milliards), une troisième qui augmente considérablement la voilure (80 milliards). Tour d’horizon des grands dossiers néo-aquitains.
Rocade de Bordeaux : « Ça peut aller très vite »
Le rapport préconise la mise à 2X3 voies de l’intégralité de la rocade bordelaise, un sujet qui intéresse tout le nord et l’ouest de l’agglomération. « Il valide le principe de l’adossement », indique Benoît Simian, ce qui signifie que la rocade passerait sous pavillon des ASF, cette filiale de Vinci Autoroutes étant le concessionnaire de l’A10 au nord de Bordeaux. L’usage de la rocade continuerait à être gratuit, ASF finançant les travaux en contrepartie d’un allongement de la durée de sa concession. « C’est une réponse immédiate à la congestion routière, ça peut aller très vite », analyse Benoît Simian.
A63 entre Bordeaux et Salles : bientôt payant ?
La mise à 2×3 voies de l’A63 (l’axe Bordeaux – Bayonne – Espagne) au sud de Bordeaux est également classée dans les dossiers prioritaires. Ce tronçon reste le seul à 2X2 voies depuis la concession à Atlandes de la traversée des Landes. L’anomalie est évidente puisqu’il s’agit des kilomètres les plus chargés, ceux qui jalonnent l’itinéraire de la sortie de la rocade de Bordeaux à la bifurcation vers Arcachon. Là, c’est l’idée d’une nouvelle concession qui est retenue. La procédure pourrait être lancée rapidement pour une réalisation de l’élargissement d’ici 2022. Cette option revient à rendre la portion payante, ce n’est pas le moindre des changements. « Nous sommes conscients qu’il y a énormément de trafic local sur cet axe. Nous l’avons pris en compte dans nos recommandations. Les locaux bénéficieraient d’une tarification spéciale », poursuit le député du Médoc qui parie sur les nouvelles technologies des « péages intelligents » pour mettre en musique ces bonnes intentions.
Grand contournement de Bordeaux : rien avant 2038
Omniprésent dans les débats, le grand contournement autoroutier de Bordeaux brillait par son absence dans les documents de programmation – ce qui rendait lesdits débats légèrement surréalistes. Il y fait aujourd’hui une timide apparition. Selon le rapport Duron, il convient de poursuivre les études et d’engager une concertation sur le thème. Ce qui correspond à des dépenses budgétaires modiques. « Je me suis battu pour que le dossier figure dans le rapport », insiste le Médocain Benoît Simian… En revanche, il n’est pas prévu d’engager des travaux avant le terme de cette séquence de programmation, soit vingt ans. Sauf à penser que le gouvernement déciderait le contraire, on ne verra donc pas l’ombre d’une pelleteuse avant 2038. Le sujet des éventuels barreaux autoroutiers à aménager entre les départ d’autoroutes en étoile autour de Bordeaux (par exemple la liaison entre l’A62 vers Toulouse et l’A89 vers Périgueux) n’est pas non plus programmé. « Il sera à étudier dans le cadre du grand contournement », esquisse le député LREM.
D’abord les noeuds ferroviaires des grandes villes
Autant que les projets de lignes nouvelles, ce sont les aménagements ferroviaires dans et autour des grandes villes qui ont interpellé le Conseil. Bordeaux et Toulouse seraient à traiter en priorité. Ce souci est raccord avec la doctrine déjà énoncée par Ellisabeth Borne, qui veut faire du chemin de fer un moyen de transport quotidien dans les métropoles. « Il y aurait des RER à l’échelle métropolitaine », résume Benoît Simian en faisant référence au réseau de métros rapides de l’Ile de France.
Reste à savoir sur quoi s’articulerait cette ambition. Sur les lignes existantes ? Il est à noter que, dans le cadre du projet de ligne à grande vitesse (LGV) au sud de Bordeaux, la déclaration d’utilité publique (DUP) relative aux aménagements ferroviaires de la sortie sud de Bordeaux – jusqu’à Saint-Médard d’Eyrans – a été annulée par le tribunal administratif en juin dernier. L’Etat a fait appel.
La LGV Bordeaux – Toulouse saucissonnée
Chez ses promoteurs comme chez ses opposants, l’analyse du Conseil sur les projets de LGV au sud de Bordeaux était scrutée de près. Rappelons qu’à ce stade, un projet global est validé par une déclaration d’utilité publique : celui d’une ligne nouvelle entre Bordeaux, Toulouse et Dax avec un triangle ferroviaire au sud de la Gironde pour relier les trois brins. Même s’il s’en défend, le COI a franchement éparpillé le projet. Seul le tronçon Bordeaux – Toulouse surnage. Dans le troisième scénario, le plus volontariste, il pourrait être réalisé sur la période 2023 – 2027 mais uniquement sur la section Agen – Toulouse. Bordeaux – Agen viendrait plus tard. L’échéance serait repoussée à 2028 – 2032 dans le deuxième scénario et à 2033 – 2037 dans le premier, à budget constant. Et là encore, Bordeaux – Agen attendrait. On se situe très loin du projet initial GPSO (grand projet ferroviaire du Sud-Ouest), qui programme la mise en service de la ligne de Bordeaux à Toulouse en 2027.
La LGV Bordeaux – Dax dans les limbes
C’est le principe sur lequel est bâti le rapport Duron : aucun projet n’est enterré, ceux qui ne sont pas prioritaires sont repoussés… à plus tard. A jamais ? On peut se poser la question pour Bordeaux – Dax, dont les travaux seraient entamés au-delà de l’horizon visible. « Ce serait à plus long terme », raisonne diplomatiquement Benoît Simian. Cette nouvelle ligne devrait de surcroît répondre à un besoin réel pour les trains de voyageurs, ce qui impliquerait de développer le fret ferroviaire (le transport de marchandises) de façon volontariste. « Un besoin de ligne nouvelle – et non de LGV – est conditionné à l’essor du fret et des TER », souligne le député du Médoc. Ceci étant, le Conseil préconise de sécuriser le tracé prévu. A ce stade, le triangle ferroviaire ne bougerait pas de son emplacement au sud de la Gironde. Mais il y a peu de chances qu’on y pioche avant longtemps. Ces orientations doivent servir de fil d’Ariane à Elisabeth Borne et au gouvernement, qui annonceront leurs choix à la fin du mois. Il y aura peut-être des surprises, car le téléphone va chauffer d’ici là entre le ministère et les élus territoriaux soucieux de pousser leurs dossiers. Mais la doctrine qui se dégage du rapport est globalement conforme avec les intentions de Nicolas Hulot et d’Elisabeth Borne, confirmées à plusieurs reprises : moins de projets pharaoniques, plus de mobilité au quotidien. Un projet de loi d’orientation suivra. Il programmera les infrastructures retenues pour les cinq ans à venir. Les recalés auront donc l’occasion de décrocher le rattrapage au début du prochain quinquennat.