HERALDO DE ARAGON
Paola Berné Zaragoza
18/07/2017
Voilà un quart de siècle que le machiniste Benjamín Casanova a pris pour la première fois les commandes du Canfranero, et les horaires de départ et le trajet n’ont guère varié depuis. « Nous fonctionnons ainsi depuis les années 90. Les fréquences ont varié de quelques minutes, mais le trajet le plus long (Zaragoza-Canfranc) est toujours de quatre heures », indique ce cheminot qui est membre de Crefco (Coordinadora por la Reapertura del Ferrocarril Canfranc-Olorón).
En tant que témoin déjà âgé du sort de ce train, Casanova connait de nombreuses anecdotes sur la « fascination » qu’exerce sur la plupart des voyageurs le parcours de cette ligne, presque tout le temps au milieu des montagnes et au bord du précipice après Huesca. Depuis la fermeture de la liaison internationale en 1970, le profil des voyageurs a beaucoup changé. Aujourd’hui ils prennent le train pour les vacances et le tourisme, pour jouir du panorama à la belle saison, ou pour le travail ou encore pour aller chercher des services qui font défaut dans les villages à l’approche de l’hiver.
« A l’époque -commente Casanova- on pouvait transporter trois, quatre ou cinq personnes qui vivaient dans le coin et aujourd’hui à l’été ce sont 30 ou 40 voyageurs qui montent jusqu’à Canfranc pour le plaisir », explique le machiniste.
Rétablissement du trafic ferroviaire entre l’Espagne et la France en 1948. (Archive Heraldo)
Casanova raconte que le premier sentiment qu’éprouvent les voyageurs venus d’ailleurs à l’entrée en gare Internationale de Canfranc, c’est la surprise. « Tous commentent l’état d’abandon de l’édifice ; ils ne comprennent pas qu’une ligne aussi belle au milieu de magnifiques paysages, puisse se retrouver dans cet état. Je me rappelle des touristes asturiens et andalous qui, arrivés à Canfranc restaient interloqués devant la gare et s’exclamaient: ‘Comment pouvez-vous avoir un tel trésor et le laisser à l’abandon!’ », raconte Casanova.
Benjamín Casanova (à g.), François Rebillar (Creloc) et Pedro Navarro (Crefco), sur la voie entre Oloron et Bedous. (photo: Javier Blasco)
Avec plus de 37 années d’ancienneté comme machiniste, cet aragonais a toujours eu à l’esprit une revendication que partagent tous ceux qui ont un jour visité la région. Pour Benjamín, c’est un « rêve » qui l’accompagne presque à chaque fois qu’il prend les commandes de ce train touristique, quel que soit le nombre de voyageurs qu’il emmène. « S’il y a une chose qui me plait dans mon travail, c’est de faire une ligne dont je réclame depuis tant d’années qu’elle redevienne internationale ; pour moi, c’est un plaisir que cette ligne existe toujours, avec l’espoir qu’un jour elle rouvre à l’international », avoue le machiniste en soulignant que c’était le véritable but de sa création.
De sorte que chaque 18 juillet est un jour de célébration dans cette vallée des Pyrénées. Pour ceux qui comme lui réclament depuis des années la réouverture internationale de la ligne, arriver ce jour-là en gare aux commandes du Canfranero est un moment presque magique. « Quand tu vois là tous ces gens venus de partout, tu comprends que l’histoire de Canfranc n’est pas tombée dans l’oubli et qu’au-delà des intérêts particuliers, il faut se rassembler pour la réouverture d’une ligne qui le mérite « .
Après l’annonce il y a dix jours que Bruxelles va financer 50% des études pour lancer la réouverture de la ligne, l’adhérent à Crefco Benjamín Casanova fait remarquer qu’on est plus optimiste que jamais, non pas seulement en raison de la somme engagée, mais parce que cela démontre que l’Europe croit dans le Canfranc et dans son intérêt pour le transport de personnes et de marchandises ». Il ajoute avec espoir: « le coup de pouce qui est donné au projet nous rapproche plus que jamais de la réouverture ».