45 trains de la ligne Pau-Oloron déjà ont été supprimés et remplacés par des bus depuis le début de l’année. Usagers et Région fulminent.
« C’est un train ou un bus, ce matin ? » Cette question, les usagers réguliers de la ligne Train express régional entre Pau et Oloron se la posent pratiquement tous les matins. Depuis le début de l’année, 45 trains ont été supprimés et remplacés par des bus sur les 16 trajets (8 allers-retours) quotidiens en semaine.
« Nous sommes le seul service public que l’on paye d’avance et dont on n’est pas sûr qu’il sera correctement assuré », déplore Maïté Barneix, abonnée originaire de Lanne-en-Barétous. La ligne 63 affichait en 2015 une moyenne de 420 voyageurs par jour, 550 le vendredi. Une fréquentation qui pourrait baisser face aux perturbations régulières du service. « Franchement, on a l’impression que les trains sont bien moins pleins depuis le début de l’année », constate Denise Otecar, abonnée de Licq-Athérey.
45
C’est le nombre de trains supprimés et remplacés depuis le début de l’année sur la ligne TER entre Pau et Oloron. Soit 18 en janvier et 27 en février. Sur la seule journée du 9 février, 15 trains ont été supprimés en raison du vent violent.
832 trains ont été supprimés en 2015 sur la ligne. Loin des 1 672 trains supprimés en 2014, dont plus d’un millier suite à un affaissement de terrain, qui avait conduit à un remplacement par bus d’avril à juillet. Depuis le début de l’année 2016, on dénombre 18 suppressions de trains en janvier (sans compter une journée complète, le 27 janvier, « suite à des difficultés d’acheminement du matériel »). Et 27 depuis le début du mois de février, avec une journée noire le 9 février, liée aux vents violents qui ont soufflé sur le Béarn. « Le problème, c’est que les abords des voies ne sont plus entretenus, déplore un abonné oloronais. Au moindre coup de vent, le train est supprimé parce qu’il y a toujours un arbre qui menace de tomber sur la voie. »
Face au risque de « trains fantômes »
Mais la ligne 63 a aussi un problème plus récurrent : le fameux autorail X73500 (ou « baleine bleue ») nécessite une maintenance tous les 14 jours dans les ateliers de Bayonne ou de Limoges. Face au risque de « déshuntage » (trains « fantômes » qui peuvent disparaître momentanément des écrans de contrôles), de nombreux conducteurs, appuyés par les syndicats de cheminots, exercent leur droit de retrait sur ces parcours. D’où les « difficultés d’acheminement du matériel ».
Un problème que la SNCF assure tenter de résoudre au mieux. « C’est très compliqué, et cela nous oblige parfois à des choix contre-nature sur le plan économique pour avoir ce matériel à Pau et assurer le maintien de cette ligne », explique Magalie Euverte, directrice opérationnelle des TER Aquitaine.
50 % de remise sur les abonnements de mars
Face aux « désagréments » qui ont fragilisé la ligne ces dernières semaines, SNCF et Région ont décidé d’octroyer un dédommagement à hauteur de 50 % sur les abonnements du mois de mars (abonnés mensuels, annuels, élèves, étudiants et apprentis).
« Je ne me verrais pas prendre la voiture tous les jours »
Une ligne à laquelle les abonnés restent attachés. « Je ne me verrais pas prendre la voiture tous les jours », confirme Chantal Capdepon, de Verdets. « Le train, c’est pratique, confortable, et cela crée des liens. On est un peu une grande famille, embraye Denise Otecar. Et les prix sont attractifs. » 78,60 € en abonnement mensuel ou 68,80 € par mois en abonnement annuel. Le train, « c’est un choix de vie », confie une abonnée de Féas. « Je travaille à Pau et j’ai fait le choix d’habiter le piémont parce qu’il y avait une gare à Oloron et que je pouvais prendre le train. Si le service n’est plus assuré, cela remettra en cause soit le lieu de vie, soit l’activité professionnelle. »
Paroles de voyageurs sur la ligne Pau-Oloron
- Denise Otecar, Licq-Athérey : « Les suppressions de trains sont récurrentes depuis le début de l’année. Nous avons non seulement le stress d’arriver à l’heure pour le train mais aussi l’angoisse de savoir si ce sera un train ou un bus. C’est le seul service public que l’on paye d’avance et dont on n’est jamais sûr qu’il sera assuré. »
- Maïté Barneix, Lanne-en-Barétous : « C’est très paradoxal qu’à l’heure où l’on se préoccupe de développement durable et où l’on encourage les gens à éviter la voiture, les trains soient régulièrement remplacés par des bus. Le bus met plus de temps et on arrive systématiquement en retard au travail. »
- Christelle Micq, Agnos : « Notre ligne est la plus simple à supprimer et à remplacer par un bus. Quand il manque une machine, un contrôleur ou un conducteur ailleurs, ils le prennent ici. J’attends de ce service qu’il soit régulier. Là, c’est aléatoire. Quand le train n’est pas là, du coup, je prends la voiture. »
- Jean-Philippe Henrotin, Arette : « Nous sommes le Samu des lignes TER d’Aquitaine. Cela ferait beaucoup plus tâche de supprimer des trains sur la ligne Bordeaux-Hendaye plutôt que notre train de la Pampa. Nous ne sommes pas en excursion, nous avons des patrons et une vie de famille. Et un bus, ce n’est pas la même chose ! »
La grosse colère de la Région
« Nous sommes totalement insatisfaits du service de la SNCF sur pratiquement toutes les lignes d’Aquitaine. » La condamnation est signée de Renaud Lagrave, vice-président de la Région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes en charge des transports et de la mobilité. « Aujourd’hui, les problèmes de suppressions et de retards sont devenus récurrents sur l’ensemble du réseau. La Région est actuellement en pré-contentieux avec la SNCF. »
Le premier avertissement d’une « riposte graduée ». La Région menace de réduire le montant de sa participation si le niveau de service continue de baisser. « On va taper là où ça fait mal », avertit Renaud Lagrave. L’élu pointe « un vrai problème de gestion à la SNCF ». Il manquerait 20 conducteurs sur la Région, 300 au plan national, « parce que la SNCF fait preuve d’un manque cruel et flagrant d’anticipation ».