Ils sont une nouvelle fois sur le grill. Le comité Action Publique 2022 n’est pas loin de proposer la suppression de plusieurs dizaines de petits aéroports.

C’est le fruit de l’histoire militaire du pays, d’une passion pour l’aéronautique et d’une volonté d’aménagement du territoire. La France compte encore aujourd’hui près de 460 aérodromes, dont 120 aéroports. Aucun de ses voisins européens n’affiche une telle densité.

Une dizaine de plateformes en difficulté financière ont, certes, cessé toute activité commerciale au cours des quinze dernières années. Mais beaucoup de ces petites structures dites « de proximité » continuent à fonctionner à perte et vivent sous perfusion d’argent public des collectivités locales à qui l’État a transféré, en 2004, la propriété des installations.

Majoritairement en déficit

Dévoilées au début de l’été, les propositions du comité Action Publique 2022 doivent servir de bréviaire au gouvernement pour reformer l’État et réaliser la bagatelle de 30 milliards d’euros d’économies. Les petits aéroports, qui sans subvention d’exploitation seraient en faillite, sont assassinés en quelques lignes dans le chapitre « dépenses inutiles ». « On peut s’interroger sur la nécessité de maintenir les niveaux actuels de soutien », relèvent les auteurs du rapport.

Les 197 millions de passagers recensés dans l’Hexagone, en 2017, ont surtout transité par les aéroports parisiens (50 %) et les dix grandes plateformes régionales, dont Bordeaux (35 %). Les situations économiques sont parfois diverses.

Mais selon le Conseil supérieur de l’aviation civile, l’équilibre budgétaire d’un aéroport est « impossible » en dessous de 200 000 passagers par an, « incertain » sous la barre des 500 000. La rentabilité n’apparaît véritablement qu’au-delà du million. En Nouvelle-Aquitaine, seuls Bordeaux – propriété de l’État – et Biarritz émargent dans cette catégorie.

Les petits aéroports, qui sans subvention d’exploitation seraient en faillite, sont assassinés en quelques lignes dans le chapitre « dépenses inutiles »

Plus de la moitié des aéroports français sont structurellement déficitaires et font appel au contribuable de différentes manières. Il n’existe aucune étude fiable permettant de chiffrer le coût public complet du service offert aux usagers des petits aéroports. En prenant l’exemple d’un site accueillant chaque année 300 000 passagers, le Conseil supérieur de l’aviation civile l’avait estimé, l’an passé, à 7,7 millions d’euros.

Cette somme englobait les subventions d’investissement et de fonctionnement, les aides aux compagnies, les budgets affectés au contrôle aérien et aux forces de douanes et de gendarmerie, ainsi que les montants issus de la péréquation de la taxe d’aéroport. Une fraction de cette redevance, plafonnée à 14 euros et acquittée par chaque passager, est redirigée vers les aéroports dont le trafic est peu élevé. La supprimer signifierait la mort immédiate d’un certain nombre d’entre eux.

Au regard de la concurrence qui fait rage entre les plateformes européennes pour obtenir l’ouverture de nouvelles lignes, le comité Action Publique 2022 préconise la disparition de ce système de solidarité entre riches et pauvres, sauf si le maintien du site répond à une logique d’aménagement du territoire.

Reste à en définir les critères. Un enjeu majeur pour de nombreuses villes moyennes dont le tissu économique est tributaire de la présence de pistes à proximité. Placées sous statut de lignes d’obligation de service public les liaisons Agen-Paris et Poitiers-Lyon ont, pour l’heure, échappé au couperet.

La Région en pole position

Bruxelles a lâché du lest aussi bien sur les aides à l’investissement que sur les subventions d’exploitation allouées aux aéroports accueillant moins de 20 0000 passagers par an. Elles ne sont plus considérées comme attentatoires à la concurrence. Il appartient désormais aux Régions de définir le maillage aéroportuaire le plus adapté au développement des territoires.

Sud Ouest

Les conclusions du groupe de travail constitué à l’échelon national, sous la présidence d’Alain Rousset, sont attendues sous peu.

L’intervention financière des Régions et les prises de participation dans les syndicats mixtes gestionnaires des sites seront conditionnées à deux objectifs : préservation du potentiel économique et désenclavement. En Nouvelle-Aquitaine, les aéroports de Périgueux et d’Angoulême, qui n’ont plus aucune activité commerciale, disparaîtront sans doute des radars. Ceux de Bordeaux, Biarritz (64) et, dans une moindre mesure, Pau (64) qui s’autofinancent, mobiliseront peu de ressources.

L’essentiel de l’effort budgétaire concernera six plateformes : Agen, Brive-la-Gaillarde (19) et Limoges (87) qui pâtissent d’une absence de desserte ferroviaire rapide vers Paris ; Bergerac (24) et La Rochelle devenus des maillons importants de l’offre touristique régionale ; Poitiers (86) qui draine une clientèle d’affaires vers le bassin lyonnais.

La montée en puissance des Régions sera sans doute facteur de lisibilité et de régulation, dans un secteur où la logique économique des compagnies dicte sa loi. Mais de la à boucher tous les trous…

L’aéroport D'agen a accueilli, en 2018, 37 773 passagers, dont 37 060 sur la ligne régulière Agen-Paris.
L’aéroport D’agen a accueilli, en 2018, 37 773 passagers, dont 37 060 sur la ligne régulière Agen-Paris.

Crédit photo : THIERRY DANIEL VIDAL

À Agen, on se mobilise pour maintenir la ligne

À Agen, acteurs politiques et économiques savent ce qu’ils doivent à l’aéroport et à la liaison avec Paris qu’il permet. Le maire d’Agen, Jean Dionis, qui en a fait son cheval de bataille à la Région le répète sans cesse : sans la ligne aérienne Agen-Paris, l’Énap (École nationale de l’administration pénitentiaire), ou encore les Américains de BMS – propriétaires d’Upsa – n’auraient pas atterri à Agen. Jean-Luc Guery, le président du Medef 47 et patron d’Optimum, leader européen de la porte de placard, ne dit pas mieux : sans avion, la capacité de prospections des entreprises locales est anéantie. « Avec 4 heures de train, c’est mort », rappelait-il dernièrement.

L’arrivée de la LGV à Bordeaux n’a pas convaincu le milieu des affaires lot-et-garonnais d’abandonner l’avion. Mais depuis des mois, son avenir s’inscrit en pointillé. Les difficultés financières du Département et la loi Notre ont fragilisé le financement de la ligne. L’État et la Région sont appelés à la rescousse pour sauver une structure qui contribue au désenclavement économique d’un territoire qui ne roule pas sur l’or.

« En juin, nous avons profité des assises du transport aérien – au sein desquelles Alain Rousset a tenu un rôle important – pour rencontrer l’équipe d’Élisabeth Borne, la ministre des Transports, indique Christian Dezalos, le président du Smad (Syndicat mixte pour un aéroport départemental). Nous avons émis le souhait que la ligne Agen-paris soit reconnue comme une ligne d’aménagement du territoire, comme c’est le cas à Rodez (12).

Par cette reconnaissance, l’État pourrait apporter un financement, comme il l’a apporté par le passé avant de se retirer progressivement il y a cinq ans, et pérenniserait l’appui de la Région. À ce jour, l’administration d’Alain Rousset verse 500 000 euros, mais attend de juger l’impact de la LGV sur la ligne pour se prononcer sur la suite à donner.

Un impact impossible à évaluer puisque les chiffres de la fréquentation de la ligne Agen-Paris ont été plombés par les défaillances à répétition de la ligne Hop!, au point que le Smad a menacé de faire sauter la Délégation de service public (DSP).

L'aéroport d'Agen.
L’aéroport d’Agen.

Crédit photo : Thierry Daniel Vidal

En 2017, 37 060 passagers (contre plus de 40 000 en 2016) avaient néanmoins voyagé sur la ligne régulière Agen-Paris. L’aéroport a, de plus, un impact économique non négligeable : le Smad (13 employés) dispose d’un budget de 4 269 207 euros dont 2 312 915 euros de contribution à la ligne Agen-paris (950 000 euros pour le Département, 950 000 euros pour l’agglomération d’Agen, 500 000 euros pour la Région, 28 800 euros pour la CCI et 17 200 euros pour la Chambre des métiers).

Si l’État ne met, pour l’heure, pas un euro sur la ligne (une réponse est attendue cet automne), il finance les missions régaliennes (sécurité, filtrage des passagers, etc.) que le Smad remplit à ce titre et qui sont financées par la taxe d’aéroport et sa majoration payées par les passagers du transport aérien (998 357 euros en 2018). L’aéroport draine également des activités économiques dans sa périphérie, comme l’école de pilotage Airways et AMA qui œuvre dans le secteur de l’aéronautique.