Le Gouvernement reconnait que ni le train ni les autovías ne ralentissent le dépeuplement de l’Espagne rurale

Jan 16, 2022 | Ferroviaire, Presse espagnole

PERIODICO DE ARAGON

Analía Plaza

16·01·22

Le train et les autovías permettent-ils de repeupler les zones rurales ou bien au contraire, facilitent-ils les départs ?

Jusqu’à présent, et depuis des décennies, l’idée politique régnante en Espagne était la première: le dépeuplement se combat par l’amélioration des infrastructures et les télécommunications. La preuve en sont les promesses d’avant la crise d’amener le TGV dans toutes les provinces ou plus récemment le pacte d’investiture entre le PSOE et Teruel Existe, l’association qui a obtenu un député aux élections de 2019 et qui réclame des investissements dans la province pour corriger un « déficit historique ».

« Pour nous, c’était essentiel », reconnait le député dans une interview avec le journal. « C’est un fait que le défaut d’accessibilité à Teruel a créé le problème de sous-développement. C’est ainsi que le voyons ».

Cependant le discours du gouvernement a changé sur ce sujet.

La Stratégie de Mobilité récemment approuvée  —un document élaboré par le Ministère des Transports, ratifié en Conseil des Ministres et nécessaire pour l’obtention de millions de fonds européens— comporte un chapitre consacré à la mobilité rurale qui reconnait que « le développement des infrastructures de transport ne protège pas en soi de la perte de population dans les zones rurales ».

En d’autres termes: construire des infrastructures n’évitera pas le dépeuplement.

C’est ce que dit le document officiel, même si la ministre des Transports, Raquel Sánchez, évoque peu après l’importance des nouvelles infrastructures pour la lutte contre le défi démographique. C’est ce qu’elle a déclaré lors de l’inauguration de la gare TGV de Sanabria, sur la ligne Madrid-Galice.

Le document de stratégie ajoute que « la connectivité ne doit pas s’identifier à des modes de transport particuliers » comme par exemple le chemin de fer. Dans des zones de faible densité de population, le plus rationnel n’est peut-être pas le train, et l’autobus parait être « la meilleure option ». Le Ministère a soutenu le même argument pour annoncer la fermeture de la ligne régionale Aranjuez-Cuenca-Valence, remplacée par un autobus.

« Tel que présenté, ce n’est pas  déraisonnable », affirme Adrián Fernández, responsable de la mobilité à Greenpeace. « Il faut garantir le droit à la mobilité, et pas nécessairement le train, qui n’est pas le mieux adapté aux faibles densités. Nous disons la même chose à propos du métro de Madrid : il n’a pas vocation à aller partout ».

Entre autres solutions proposées pour que les habitants des villages ne dépendent pas de la voiture particulière et ne restent pas isolés, le Gouvernement suggère le motosharing et le carsharing (motos et voitures de location), le ridesharing (covoiturage, genre Blablacar) et le carpooling (voyages partagés en voiture sur des trajets fréquents, comme se rendre au travail à plusieurs).

Toutes ces solutions requièrent l’usage du mobile ou de l’ordinateur et une connexion à internet, même si le document évoque le recours à des moyens « traditionnels » de communication, car les zones rurales n’ont pas toujours de couverture et leurs habitants sont souvent âgés.

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« Plusieurs études montrent que là où arrive le TGV ou l’autovía, la population s’en va », dit Ignacio Urquizu, maire d’Alcañiz, une ville de 16.000 habitants de la province de Teruel.

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« Les professions libérales vivent en ville et font l’aller et le retour tous les jours. Le choix du lieu de résidence ne dépend pas nécessairement du temps de trajet : d’autres choses interviennent, comme les amis ou les loisirs. On ne vit au village que quand on n’a pas le choix ».

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Les infrastructures, selon Germá Bel, économiste, homme politique et auteur de “L’Espagne, capitale Paris”, « non seulement n’évitent pas la perte de population, mais elles font qu’on continue d’en perdre ».

A son avis, il faut différencier le train régional —que le Gouvernement remet en cause dans sa stratégie de mobilité—, le train de marchandises et le TGV.

« Les gouvernements successifs ont soutenu que le TGV constitue une politique de solidarité, quand tout le monde sait qu’il produit l’effet inverse. Il favorise le gros aux dépens du petit », explique-t-il. « La première étude sur ce sujet date de 1987 et analyse la ligne Paris-Lyon. Les entreprises de services importantes de Paris accédèrent plus rapidement au marché de Lyon et ponctionnèrent celles sur place ».

Selon Bel, le train régional (ou éventuellement l’autobus), favorise les relations de proximité, dans les zones les moins denses.

Le document du Gouvernement est, en ce qui concerne le train régional, un chant a l’efficience. Si la demande est faible, son maintien n’est pas justifié, il faut recourir à des solutions adaptées, et l’Etat ne doit pas déclarer certains services Obligations de Service Public (OSP).

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