En 2015, Airbus annonçait la production de son futur avion électrique à Pau. La position de l’avionneur a aujourd’hui évolué.
L’E-Fan, l’avion électrique d’Airbus, sera-t-il assemblé un jour à Pau ? Si, il y a encore un an, les déclarations enjouées de l’avionneur européen laissaient peu de place au doute, la situation semble aujourd’hui nettement plus incertaine.
Pour rappel, l’E-Fan est ce petit aéronef, mono ou biplace selon les versions, présenté comme « l’avion électrique le plus avancé du monde ». Lors d’une démonstration en 2014, Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Économie et du Redressement productif, salue même une révolution « qui va changer le monde de l’aéronautique ».
REPORT DE CALENDRIER
Le dossier intègre le programme « La nouvelle France industrielle » (NFI), lancé en 2013 par le gouvernement pour moderniser l’outil industriel du pays. Airbus, via sa filiale VoltAir créée spécialement pour ce projet, annonce investir 20 millions d’euros. On évoque alors la création de plusieurs centaines d’emplois indirects…
En Béarn, on se frotte les mains d’avoir damé le pion à la Gironde, initialement choisie pour accueillir le futur site de production. Les premiers avions palois sont annoncés pour fin 2017. « C’est le début d’une grande aventure », clame Jean Botti, directeur général d’Airbus, délégué à la technologie et l’innovation.
Depuis, à défaut d’avions électriques dans le ciel, c’est le doute qui plane. Airbus a revu son calendrier. L’entreprise a annoncé un report d’un an pour les travaux d’aménagement de la future usine, désormais théoriquement prévus pour cette année.
Celle-ci doit s’installer sur un terrain près de l’aéroport de Pau-Pyrénées. « Il s’agit d’un projet sanctuarisé, […] le lieu de l’implantation industrielle n’est pas remis en cause », assurait à l’époque dans nos colonnes Agnès Paillard, la présidente de VoltAir.
Or, ces travaux n’ont à ce jour pas démarré. Le foncier n’a même pas encore été acquis. Contactée cette semaine, Agnès Paillard n’a pas souhaité répondre à nos questions. « VoltAir doit nous donner une réponse ferme d’ici la fin du mois », indique Jean-Paul Brin, adjoint au maire de Pau et président du Smapp, le syndicat mixte de l’aéroport.
Il semblerait que le projet pâtisse du départ de Jean Botti d’Airbus en avril 2016, qui le portait à bras-le-corps. Son successeur, l’Américain Paul Eremenko, n’aurait pas le même engouement pour l’E-Fan, dit-on en interne. Sa priorité irait au projet Vahana, le nom de code désignant un programme de recherches sur des voitures volantes.
Dans le milieu aéronautique, les annonces initiales autour de l’industrialisation de l’E-Fan avaient d’ailleurs surpris. « Certains se sont un peu trop avancés dans la communication », confie sous couvert d’anonymat un ingénieur impliqué dans le projet.
AUCUNE DÉCISION PRISE
« Ça va certainement moins vite que ce qui a été annoncé, mais il est encore trop tôt pour dire si le projet d’industrialisation va s’arrêter, analyse Michel Ferrandery, référent du dossier pour le programme NFI, auprès du ministère de l’Economie et des Finances. Il y a eu une phase d’enthousiasme, maintenant on met les pieds sur terre. Il s’agit de regarder si le projet industriel est rentable. »
« Le projet en lui-même continue sur l’aspect recherche et développement », tient de son côté à préciser Airbus. L’industrialisation de l’E-Fan est, selon le groupe, toujours dans les cartons. « Elle aura lieu, nous assurait-on mercredi soir. La forme reste à définir. En revanche, c’est certain, ce sera dans la région Nouvelle-Aquitaine. Pourquoi pas Pau, mais pas nécessairement. » La décision devrait être prise dans « les prochaines semaines, voire les prochains mois ».
LE PROJET EN QUELQUES DATES
De l’enthousiasme des débuts à la communication prudente d’Airbus, retour sur le projet E-Fan.
2012
Airbus commence à travailler avec le motoriste Rolls-Royce sur un système de propulsion électrique. On ne parle pas encore de l’E-Fan.
2013
L’E-Fan est présenté en statique au Salon du Bourget, à Paris. Encore à l’état de prototype, le constructeur fait savoir qu’il a été développé en huit mois. Il espère son industrialisation trois ans plus tard.
25 AVRIL 2014
L’E-Fan effectue son premier vol en grande pompe, depuis l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. La presse s’en fait largement l’écho. Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Économie et du Redressement productif, évoque « une nouvelle ère de l’aviation civile ».
30 AVRIL 2014
VoltAir, filiale d’Airbus créée pour ce projet, annonce que l’E-Fan sera finalement assemblé à Pau plutôt qu’à Bordeaux-Mérignac. « Pau était le choix économique le plus intéressant, explique Jean Botti, directeur général d’Airbus. Il y a eu aussi l’aspect météorologique. Enfin, l’aéroport de Pau est beaucoup moins engorgé que celui de Mérignac. » Les élus locaux sont aux anges.
JUILLET 2015
La traversée de la Manche par l’E-Fan est relayée par de nombreux médias.
NOVEMBRE 2015
Jean Botti vient présenter l’E-Fan à Pau. Le calendrier présenté en avril est confirmé.
FÉVRIER 2016
L’implantation de l’usine à Pau est repoussée d’un an. « Le lieu de l’implantation n’est pas remis en cause », assure Agnès Paillard, la présidente de VoltAir.
L’E-Fan, un projet à 50 millions d’euros
Comme souvent dans les projets industriels, tout est affaire de chiffres. Avion 100 % électrique, l’E-Fan présente jusqu’à 1 heure d’autonomie de vol. Il est pensé principalement comme un avion-école. Lors de sa première présentation, il mesurait 6,60 m de long, pour une envergure de 9,50 m, et pouvant atteindre jusqu’à 220 km/h. La version finale du prototype a été arrêtée ces dernières semaines par Airbus. À l’époque, il était prévu d’en produire dix par an dans un premier temps, avant de monter jusqu’à 80. L’usine béarnaise de 1 500 m² devait s’implanter sur un terrain de 17 000 m².
Le projet était chiffré initialement à 50 millions d’euros, dont 20 millions investis uniquement dans la recherche et développement.
Au-delà de l’E-Fan, Airbus a toujours annoncé vouloir tirer partie des technologies développées dans ce cadre, pour les appliquer à d’autres appareils. Il y a encore un an, dans ses projections à moyen terme, l’avionneur évoquait l’idée d’un avion électrique de 100 places. Aujourd’hui, il semblerait que les recherches portent davantage sur une hybridation électrique-carburant.