Le tunnel du Somport n’attire que 2 % du trafic routier transfrontalier. Insuffisant, juge-t-on en Aragon où l’impatience est grande d’une amélioration des dessertes côté français
Selon les dernières statistiques du ministère de Fomento (le ministère des Transports espagnol), le tunnel du Somport n’attirerait que 2 % du trafic autoroutier journalier entre la France et l´Espagne. Un résultat peu encourageant face aux plus de 20 000 poids lourds qui traversent quotidiennement la frontière franco espagnole entre La Junquera et Irun. Des chiffres qui ont fait renaître la polémique chez nos voisins aragonais récemment.
« Voie déplorable »
De l’autre côté du Pourtalet ou du Somport, le tunnel ouvert il y a 14 ans « ne remplit toujours pas son rôle de régulateur de flux et de facilitateur d’échanges commerciaux, faute de volonté côté français » annonce sans sourciller Fernando Callizo, président du CEOE Aragon (le syndicat d’Aragon). Ce dernier a d’ailleurs demandé au gouvernement d’Aragon d’agir pour que le gouvernement français s’engage réellement dans l’amélioration de la RN 134.
Qualifiant cette route de « voie déplorable », il confirme ainsi que « tout le reste des flux, c’est-à-dire les moyens et longs trajets, continue à s’effectuer par Irun ou La Junquera ».
L’Aragon a exporté en 2016 plus d’un milliard de tonnes de marchandises vers l’Hexagone (1,142 milliard de tonnes), représentant plus de 25,13 % de ses exportations, mais elle a aussi importé plus d’1,774 milliard de tonnes de marchandises depuis la France… Autant dire que les Pyrénées sont plus un passage qu’une barrière.
Des projets « passés aux oubliettes »
« Le tunnel du Somport est une magnifique construction pensée pour réguler la concentration des flux. Malheureusement, la situation côté français fait qu’aux yeux des transporteurs ce passage est synonyme de perte de temps, hausse de consommation en carburant, contrôles successifs et insécurité » résume ainsi Cesar Soriano, le président de la confédération des transporteurs de marchandise.
Côté secteur touristique, les voix semblent rejoindre celles des transporteurs… et des deux côtés. Le directeur de la station de ski du Somport, Bruno Guitton, rappelle l’importance du tourisme espagnol dans les stations de la vallée (45 000 journées skieurs environ chaque année, 85 % de touristes espagnols) : « Une population arrivant essentiellement par voiture ou par bus ». Selon lui, « la construction du tunnel a été positive au niveau environnemental – les camions ne passant plus par le col – mais les beaux projets de déviation qui accompagnaient le projet du tunnel (notamment au niveau des déviations d’Urdos, Cette Eygun, Asasp) sont passés aux oubliettes ».
Plus au sud, Roberto Pac, président de l’association touristique et hôtelière de la province de Huesca, rappelle quant à lui l’importance de l’amélioration de cette voie afin de faciliter le déplacement des Français, côté Pyrénées espagnoles, venant pratiquer du tourisme d’aventure, mais aussi un tourisme religieux ou de mémoire (en référence aux enfants d’immigrés espagnols).
Victor Sainz, directeur général du groupe Saica, ne dit pas autre chose. Spécialisé dans l’emballage et le papier recyclé, avec des unités de production et de recyclage aux quatre coins de France, son groupe emploie plus de 1 500 personnes en France. « Nous exportons depuis Saragosse plus de 50 % de notre papier recyclé vers ses différents centres situés dans le Sud-ouest, mais aussi sur Lyon et Toulouse. Un axe central perméable et facile d’accès est évidemment essentiel ». Lui aussi rêve de « limiter les détours, et ainsi toute consommation superflue de carburants ».
Impatience côté espagnol
On le voit, l’impatience est certaine de l’autre côté des Pyrénées, chez des voisins qui n’ont d’autre issue que le Somport ou de longs détours vers la Catalogne ou le Pays basque. Impatience d’autant plus grande que le gouvernement aragonais ne lésine pas sur les moyens. Saragosse, cinquième plus grande ville d’Espagne, s’est ainsi vue allouer pour 2017 un budget de 31,2 millions d’euros destiné à l’amélioration et l’accessibilité de ses connexions. Là-bas, les routes à deux voies progressent, au risque de buter, une fois le Somport passé, sur une RN 134 que les Espagnols jugent de moins en moins pittoresque…