La France n’envisage pas à court terme la réouverture de la ligne Pau-Canfranc-Saragosse

Fév 22, 2023 | Ferroviaire, Presse espagnole, Relations transfrontalières

HERALDO DE ARAGON

RAMÓN J. CAMPO

22/2/2023

 

Le Ministère des Transports français ne prévoit pas d’investir à court terme dans la réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Canfranc-Saragosse, selon un rapport do Conseil d’Orientation des Infrastructures  publié en janvier dernier sur les programmes et la révision de ses projets pour les prochaines années.

Cet organisme de conseil a pour objet d’informer le Gouvernement français sur les politiques d’investissement en mobilité et transport. En particulier, il lui revient d’élaborer des propositions sur les orientations et priorités d’investissement public et sur leur financement. Il ne considère pas nécessaire de consacrer des ressources à la réouverture du Canfranc.

Mais le vice-président du Creloc (Comité pour la Réouverture de la ligne Oloron-Canfranc), Francois Rebillard, précise que ce rapport du Conseil d’Orientation des infrastructures, un organisme créé il y a deux ans, « n’est pas une opinion définitive du Gouvernement » et la décision officielle « peut être connue fin février ». « Le Conseil émet une opinion et le Gouvernement peut ou non la suivre », ajoute Francois Rebillard.

Son camarade Gerard López, responsable de Creloc, ajoute que ce rapport n’a pas encore été remis au Ministère des Transports, mais il y a eu des fuites dans la presse. « Le résultat n’est pas surprenant. Le Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI) confirme, faute d’éléments nouveaux, la position adoptée par ce même organisme en 2018 de ne pas apporter de financement national pour ce projet ».

« On savait déjà que jusqu’à présent le Gouvernement français avait dit qu’il ne voulait pas financer le Canfranc, tout en le soutenant. Nous verrons si Rousset (président de la Nouvelle Aquitaine et grand défenseur de la réouverture) peut faire changer d’opinion le Gouvernement de Macron, mais ça c’est de la politique », indique Gérard López.

Accord signé à Saragosse

Le rapport rappelle que l’Espagne, la France, l’Aragón et la Nouvelle Aquitaine ont signé en février 2022 à Saragosse une déclaration sur le projet de réouverture de la ligne ferroviaire Pau-Saragosse et la création d’une structure commune de pilotage et coordination des principales misions nécessaires à la réalisation du projet, sous la forme d’un Groupe Européen d’Intérêt Economique.
Le Conseil d’Orientation des Infrastructures assume que le projet est actuellement en phase d’études d’avant-projet du côté français ainsi que les rapports préliminaires du côté espagnol Urdos-Canfranc qui inclut le tunnel transfrontalier du Somport. Il précise que ces travaux sont financés par l’UE à 50% et dans la partie française par la Nouvelle Aquitaine.
« Une première estimation de coût du projet réalisée en 2020 le chiffrait entre 360 et 480 millions, une estimation qui n’est plus valide dans la partie française et considérée comme sous-estimée », détaille le rapport. Il indique que le financement de la sécurité du tunnel routier du Somport et du tunnel ferroviaire sera un point d’attention, « financé à 50% sur fonds européens ».
De même, il précise que les études de trafic de passagers et de marchandises datent de 2022 et qu’il faudrait établir un rapport socio-économique en 2023. Il évalue le trafic interne en France à 29.000 passagers (dont 18% induits et 82% habituels) sur les 174.000 que représente le transit total international  (dont 171.000 seraient des voyageurs et le trafic de marchandises de 6% à 11%).

Critiques des ingénieurs

Salvador Galve, doyen du Collège des Ingénieurs Industriels d’Aragón et La Rioja, note qu’il faudrait que la “société civil”, tant en Espagne qu’en France, soutienne le projet de réouverture pour les effets qu’aurait ce trafic ferroviaire. Il indique que la SNCF est « très hostile et « ne voit pas d’intérêt pour la France à rouvrir cette ligne » inutilisée depuis 1970, malgré la relance du train que la pandémie et le changement climatique ont provoquée en France.
De fait, Galve, qui préside l’Alliance Européenne pour le Développement de Couloirs Ferroviaires et des Réseaux Transeuropéens de Transport, ajoute qu’il y a des exemples de  rentabilité du ferroviaire, comme sur Valence-Saragosse, dont le  trafic de marchandises a été multiplié par dix, et indirectement, également celui de passagers. « Cela pourrait se produire si on rouvrait le couloir Saragosse-Canfranc-Pau », précise Salvador Galve du fait des exportations des entreprises d’Aragón et de la Communauté Valencienne.

« Le rapport n’est pas définitif pour le Gouvernement »

De son côté, l’ingénieur Iñaki Barrón de Angoiti, président du comité technique de l’Alliance Européenne, note que le rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures “n’est pas définitif” car la décision ultime revient au Ministère des Transports français, bien que “celui-ci émette des réserves” sur la réouverture de la ligne ferroviaire. Il ajoute que la défense de la nouvelle ligne Canfranc-Pau nécessite qu’il y ait  “une unité en Aragón” car ce train est rentable socialement”, et de plus, comme cela est soutenu en France, “il faut mettre les camions sur les trains” pour lutter contre le changement climatique.
En outre, l’expert ferroviaire note que l’Espagne doit passer à l’écartement de voie européen sur le couloir Pau-Canfranc-Saragosse, ainsi que sur le raccordement à la grande plateforme Plaza, afin de faciliter la “simplicité, la robustesse et la singularité” de ce train international qui apportera de la “fiabilité” dans le transport de marchandises.
“La rentabilité des trains de marchandises vient de ce qu’ils ne s’arrêtent pas, et qu’ils sont plus efficaces et  économiques que les TGV”, conclut l’ingénieur. Il rappelle qu’il existe aux Etats Unis des exemples d’utilisation en montagne, comparables à la connexion entre Bedous y Canfranc.

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