EL PAIS
RAMÓN MUÑOZ
Madrid
6 Janvier 2019
L’incident du train d’Estrémadure du début de l’année a remis sur la table le débat sur l’état du réseau ferroviaire conventionnel et le modèle de développement tout TGV du pays adopté par les partis politiques. C’est la seule explication du fait que les investissements publics de la dernière décennie (2008-2018) destinés a la grande vitesse atteignent 31.414 millions d’euros, alors que les voies sur lesquelles circulent les trains de moyenne distance et de banlieue n’ont reçu que 6.388 millions, selon les données fournies à EL PAÍS par Adif. Cette négligence se traduit par un parc de trains obsolètes, puisqu’un tiers des motrices de Renfe qui couvrent les lignes régionales ont plus de 30 ans, et pas un seul appel d’offres de rénovation du matériel n’a été lancé depuis 2006.
Un concours de circonstances explique le chaos ferroviaire d’Estrémadure. D’abord les faibles investissements de l’Etat dans la région, à peine 2,6% du total national. Les autres raisons sont liées au modèle ferroviaire. Le réseau ferré conventionnel a plus de 13.000 kilomètres, contre 3.000 de LGV. Malgré cela, presque tous les investissements sont allés à l’extension de ce dernier. Le TGV est devenu un produit d’appel politique, comme la santé ou les retraites. Tous les responsables des Communautés Autonomes, quelque soit leur couleur politique, exigent que le TGV s’arrête dans leurs villes principales, quel que soit la population ou le nombre de voyageurs.
L’Espagne possède le plus vaste réseau par habitant au monde et le second par sa longueur, seulement dépassé par la Chine. Mais c’est aussi le réseau le plus vide. Le TGV espagnol a moins de 15 voyageurs au kilomètre, au lieu de 50 en France, 84 en Allemagne, 63 en Chine et 166 au Japon, selon l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC). Ce chiffre indique que beaucoup de lignes TGV ne se justifient pas par les voyageurs potentiels qu’ils sont susceptibles de transporter. Cet effort pour amener le train rapide à chaque capitale de province a asséché les fonds nécessaires à l’extension et à la maintenance du réseau conventionnel, qui est le plus nécessaire au développement du territoire, et qu’utilisent 80% des voyageurs.
La Cour Européenne des Comptes, dans un rapport accablant rendu public en juin dernier, indiquait que les lignes ferroviaires à grande vitesse forment une « mosaïque inefficace » faute d’un plan réaliste à long terme, dans lequel les retards et les dépassements budgétaires sont « la norme ». Sur la même ligne, les géographes ont déclaré que les LGV ont représenté un gaspillage d’argent public de 26.240 millions d’euros au cours des deux dernières décennies.
L’Administration elle-même reconnait cette inégalité de traitement. “Au cours des dernières législatures, les Gouvernements successifs de gauche comme de droite ont centré leur attention sur la grande vitesse, et il est vrai que nous avons acquis un réseau que beaucoup de pays voisins nous envient, mais nous devons faire preuve de responsabilité et porter à nouveau nos regards et notre action sur le réseau conventionnel, qui est l’essence même de notre système ferroviaire et qui nécessite des investissements lourds dans les prochaines années”. Ainsi s’exprimait Juan Bravo, l’ancien président d’Adif, la société chargée des infrastructures ferroviaires, en avril dernier à l’occasion de la présentation du budget.
Malgré cet avertissement, Adif a investi en 2018 (arrêté au 30 novembre) de 1.172,4 millions d’euros sur les LGV et 336,9 sur le réseau conventionnel, selon les chiffres de la société publique. C’est-à-dire que plus de trois euros sur quatre sont allés aux infrastructures LGV.
D’une façon générale, les Gouvernements successifs ont rayé le chemin de fer de leurs priorités. Les investissements d’Adif ont été fortement amputés en raison de la crise. En 2018, les investissements exécutés représenteront un peu plus du quart de ceux de 2010, qui a connu le plus gros effort, avec 4.890 millions d’euros aux LGV et 1.170 millions au reste.
Au plan du matériel roulant (trains et motrices), de la responsabilité de Renfe, on trouve la même négligence. Le parc roulant sur les lignes à moyenne distance est assez âgé. Il comporte 32 locomotives diésel de la Série 592, de 38,7 ans de moyenne d’âge ; 17 de la Série 596, de 35,8 ans d’âge ; 21 de la Série 594 de 20,9 ans de moyenne ; 20 de la Série 598 de 14,8 ans et 50 de la Série 599, de 9,5 ans d’âge.
Les précédents responsables de Renfe, tant sous les Gouvernements de José Luis Rodríguez Zapatero que de Mariano Rajoy, ont complètement arrêté tout investissement en matériel roulant sur le réseau conventionnel. Le dernier contrat a été signé en 2006 à CAF pour 588 millions pour l’achat de 107 trains de Moyenne Distance. La nouvelle équipe que préside Isaías Táboas a promis de débloquer la situation et de lancer des consultations pour l’achat pour 3 milliards d’euros de trains de banlieue et régionaux ce premier trimestre.
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