La chambre régionale des comptes craint que le financement de la ligne Bedous-Canfranc ne retarde la modernisation des TER.
La chambre régionale des comptes (CRC) demande au Conseil régional de se presser lentement dans son projet de réouverture du tronçon Bedous-Canfranc de la ligne ferroviaire internationale Pau-Canfranc. Si l’on lit entre les lignes, c’est ce qui ressort de son rapport consacré aux transports express régionaux (TER) en Nouvelle Aquitaine, transmis le 10 septembre dernier au président du Conseil régional Alain Rousset.
La CRC se demande si le projet de cette ligne ne risque pas de contrarier la stratégie globale de la région en matière de trains express régionaux (TER). « L’importance des fonds régionaux à mobiliser pour ce projet atypique ne serait-elle pas susceptible de générer un effet d’éviction sur le financement des besoins urgents très importants (évalués à 600 M€) en matière de régénération des lignes TER existantes dont plusieurs voient leur exploitation actuelle fortement pénalisée par leur état de délabrement ? », interroge-t-elle.
« Une nécessaire hiérarchisation »
La Chambre rapporte sur ce point l’argumentation du président de la région. Ce dernier écarte l’idée de concurrence en considérant qu’au vu du nombre d’opérations à conduire, et compte tenu de ses ressources humaines disponibles, la SNCF serait de toute façon contrainte d’étaler dans le temps la réalisation et le financement de ces chantiers. « Cette contrainte opérationnelle rend encore plus nécessaire une hiérarchisation entre les projets dans lsquels Bedous-Canfranc devrait (ou non) trouver sa place, une fois menées à bien les études de faisabilité envisagées », appuie la CRC en conclusion de son rapport.
La CRC souligne la dimension internationale du Bedous-Canfranc : « Ce projet dépasse la seule problématique TER. Cette opération semble participer plus globalement de la stratégie de la région en matière de développement économique, de mobilité et de transition énergétique ». Elle précise encore que selon des projections en cours de validation, le fret ferroviaire pourrait atteindre 1,5 million de tonnes par an. « En revanche, aucune perspective de développement n’a encore été définie pour le trafic voyageurs », pointe la chambre régionale.
Elle indique encore qu’une étude socio-économique aurait démontré en 2015 la faisabilité économique du projet dont le coût d’investissement restant à la charge de la région serait situé entre 126 et 158 M€, selon le montant de la prise en charge par l’union européenne (Feder).
À ce jour, 14,7 M€ sont engagées en études préalables (financées à 50 % par l’Europe) dans le cadre d’un programme de coopération transfrontalière, associant outre la région Nouvelle-Aquitaine, la communauté autonome d’Aragon, le gestionnaire espagnol d’infrastructures ADIF, l’État espagnol et l’Union européenne.
Déjà 1 M€ pour le débroussaillage
« L’État français entend en tout état de cause se tenir à l’écart du financement du projet », souligne la chambre régionale, en notant que l’opération ne figure pas dans la liste établie en 2018 des priorités nationales du ministère des transports. Elle note encore que les seuls travaux préparatoires de débroussaillage auront déjà coûté plus d’1 M€ à la région.
Pour certains, c’est déjà trop. C’est le cas du conseiller régional Béarnais, Marc Oxibar (LR). Il est intervenu lors de la présentation du rapport à l’assemblée régionale ce lundi à Bordeaux. « Ce qui nous inquiète, c’est ce projet au coût faramineux. Ce rapport qui demande de revoir la hiérarchisation du projet, vient confirmer ce que nous disons depuis des années. Nous avons de sérieux doutes sur les priorités », indique ce dernier qui doute aussi de la pertinence même du projet. « Je ne crois pas à cette ligne qui veut à la fois faire du fret, une ligne touristique et du transport de voyageurs », ajoute l’Ogeulois. « Plutôt que de s’entêter à rouvrir cette ligne, Alain Rousset devrait s’intéresser aux déviations manquantes de la R134 en vallée d’Aspe. Sans compter qu’il y a des travaux plus urgents à faire sur les TER ».
Une position qui ne surprend pas l’exécutif de la région et qui, pas plus que l’avis de la CRC, ne le fera pas dévier de ses objectifs. « On ne va pas lâcher l’affaire, simplement parce que l’État décide que cela ne l’intéresse pas de rouvrir des lignes TER », confirme Renaud Lagrave, vice-président, chargé des transports. Il indique en outre que la hiérarchisation des investissements est déjà faite depuis avril dernier.
Un coût de fonctionnement annuel d’1,291 million d’€
Dans son rapport, la chambre régionale des comptes note que le coût de fonctionnement en année pleine de la section Oloron-Bedous a été estimé à 1,291 millions d’euros. Elle précise encore que sa fréquentation hebdomadaire maximale a culminé à 1 200 voyageurs au cours des mois de juillet 2016 et 2017. Son offre de transport a augmenté de 16 % entre 2016 et 2017. Au cours de la même période, son trafic a crû de 12 %. Le rapport indique encore que la région verse une contribution d’équilibre au transporteur routier qui exploite la liaison par autocar entre Bedous et Canfranc. Cette dernière s’élevait à 349 000 euros en 2017.