Une autoroute magnifique mais sous utilisée car trop chère.
Victime d’un « enclavement tarifaire », le Béarn se sent toujours isolé tandis que les retombées économiques de l’autoroute restent peu visibles dans les territoires traversés.
Nous évoquions dans notre édition du 30 août, le coup de gueule de Pierre Saubot concernant les tarifs jugés beaucoup trop chers de l’A65 Pau-Langon. Au-delà des tarifs, les promoteurs de ce projet évoquaient pour justifier la construction d’A65, le désenclavement du Béarn et le développement économique que ne manquerait pas de susciter ce bel ouvrage.
Un nouveau « fil économique »
Alain Rousset, président du Conseil régional d’Aquitaine, affirmait en février 2011, un an après l’ouverture, que sa priorité était que l’A 65 devienne un nouveau « fil économique ».
Le préfet de région, Dominique Schmitt, déclarait en 2010 : « L’A65 va renforcer la cohésion de l’ensemble de la région et contribuer au développement et à l’aménagement du territoire aquitain. Elle va notamment : faciliter le développement de projets communs entre ses deux pôles majeurs ; contribuer au développement des synergies entre les grands équipements (ports, aéroports, hôpitaux, universités, etc.).
Qu’en est-il aujourd’hui ? Pau reste une ville peu visible dans l’Hexagone, plus réputée pour son maire que pour son dynamisme. L’aéroport vivote. Le trafic autoroutier reste en deçà des prévisions. Les transporteurs de la région souffrent de tarifs trop élevés tandis que les développements économiques le long de l’autoroute tardent à émerger.
Didier Laporte, président de la Chambre de commerce et de l’industrie Pau-Béarn, avoue : « Je n’ai aucune idée sur les retombées économiques de l’A65 car aucune étude n’a été faite sur le sujet. L’A65 est nécessaire au développement mais n’amène pas d’investisseurs. Pour eux, la structure autoroutière n’est qu’un élément de choix parmi d’autres » relève-t-il.
« Pas de retombée liée à l’A65 »
Dans chaque projet autoroutier, chacun veut son échangeur, sésame du développement. Charles Pélanne, pour l’échangeur de Garlin, constate que la zone d’activité, construite à grands frais par cinq intercoms, reste vide. « Il nous a fallu de 2008 à 2016 pour préparer la zone » rappelle le vice-président du conseil départemental et maire de Mont-Disse. « Pour l’heure, les retombées économiques n’existent pas mais on reste confiant. On pourrait avoir de bonnes nouvelles d’ici la fin de l’année » espère-t-il.
Jean-Pierre Mimiague, président de la communauté des Luys de Béarn, se félicite de voir la zone d’activités de Thèze remplie : « Nous n’avons pas de retombée particulière liée à l’A65. Nous allons inaugurer une pépinière pleine ce 15 octobre. Ce n’est pas l’A65 qui l’a remplie mais le confort technique et le prix des locations qui ont fait venir des entrepreneurs. Globalement, sur l’ensemble du Nord Béarn, on ne voit pas d’influence de l’A65 sur nos territoires en matière d’économie ».
Christian Laine, maire de Lescar, « n’est pas sûr que l’A65 ait changé quelque chose au développement » de sa ville. « Nous avons des demandes pour se développer à Lescar, proche de deux autoroutes et de l’aéroport. Mais il ne me semble pas qu’il y ait plus ou moins de développement en raison de l’A65. On a du mal à en mesurer l’impact ».
La galère des transporteurs
Ce qui est certain, c’est l’impact négatif pour les transporteurs locaux. « Il y a une vraie distorsion de la concurrence. L’A65 est deux fois plus chère que l’A63 et 30 % plus chère que la moyenne nationale » rappelle Aline Mesplès, présidente du syndicat de transporteurs OTRE. Elle bataille depuis des années pour une réduction des péages d’un côté et le droit d’emprunter les départementales de l’autre.
Pas de retombée économique évidente donc. Mais entre une autoroute parmi les plus chères de France et une liaison par avion tout aussi hors de prix, le Béarn subit bien un enclavement tarifaire. Ou alors on serait plus riche que les autres sans le savoir ?
Les Béarnais préfèrent des solutions alternatives
Le coût élevé de l’autoroute A65 entre Lescar et Langon incite les Béarnais à privilégier des solutions alternatives.
A 26 € les 200 km entre Pau et Bordeaux, (le double d’un Pau-Toulouse) les Béarnais rechignent à emprunter l’A65. « Grâce au covoiturage, je peux me permette de la prendre, sinon je n’y mettrais pas les pieds ! », témoigne Anne-Lise sur notre page Facebook. « Si on veut aller vite sans covoiturer, il vaut mieux prendre le train. C’est le même prix : 24€ pour faire Pau-Bordeaux », conseille Hervé.
De nombreux automobilistes préfèrent, eux, emprunter les routes départementales. Il faut compter environ une heure de trajet en plus : trois heures pour gagner Bordeaux au lieu de deux via l’autoroute. « En passant par la route qui est tout aussi belle, on peut faire des haltes sympas dans les petits villages », remarque Tina.
Au niveau d’Aire-sur-l’Adour, une section gratuite de l’autoroute A65 permet d’éviter la circulation dans l’agglomération. Mais elle ne dure que six kilomètres.
« Trop dangereuse »
Outre le coût, plusieurs internautes évoquent la dangerosité de l’autoroute A65. « Vu le peu de fréquentation et sa monotonie, on s’y endort facilement », estime Philippe. « Cette autoroute est dangereuse parce que personne ne la prend, renchérit Romain. La somnolence arrive vite faute d’éléments perturbateurs. »
Inversement, certains critiquent la limitation de tronçons d’autoroute à 110 km/h « dans des zones où ce n’est pas justifié. »
En raison du coût du péage, certains automobilistes évitent carrément d’aller à Bordeaux. Ils préfèrent emprunter l’autoroute entrePau et Toulouse, à 10,70 €, pour aller à l’aéroport ou rejoindre d’autres régions françaises. « Le choix est vite fait : pour un spectacle, concert ou aéroport, je ne vais plus qu’à Toulouse », déclare Carole. « Vivant sur la Creuse mais originaire du Sud-Ouest, je choisis régulièrement l’itinéraire via Toulouse car le trajet revient deux fois moins cher», raconte de son côté Yann.
Plus rapide et confortable
De rares avis positifs émergent toutefois dans la masse. « Trop chère sûrement, mais confortable, fluide et sécuritaire », considère Sébastian. « Je préfère l’A65 sans hésiter, affirme lui aussi Gaetan. La nationale est trop dangereuse et le trajet plus long, ce qui fait environ 10€ d’essence en plus. Franchement je dis un grand oui malgré le tarif. »
S.D.
Pour une gratuité de l’A64 au nord de Pau
Si les autoroutes qui desservent Pau devaient avoir une vraie utilité, ce serait en les utilisant comme rocade pour soulager le trafic au nord de Pau. Christian Laine milite pour une gratuité de l’A64 entre Soumoulou et Artix qui délesterait la rocade paloise.
Didier Laporte, évoquant la création d’un échangeur à Morlaàs, estime que « ça n’assure pas de développement économique ». En revanche, il le trouverait très utile pour désengorger l’agglo paloise en assurant la gratuité entre cet échangeur et celui de Lescar.