Jean-Jacques Lasserre : « Le Département n’est pas une collectivité rétrograde »
Le président (Modem) des Pyrénées-Atlantiques soutient la politique d’Emmanuel Macron mais réclame la grande vitesse pour son département.
« Sud Ouest » : Le rapport Spinetta et la réforme de la SNCF font actuellement couler beaucoup d’encre. Quel est le regard d’un président de Conseil départemental ?
Jean-Jacques Lasserre : J’ai toujours été préoccupé par les problèmes d’aménagement du territoire et je m’intéresse donc forcément aux transports ferroviaires. Concernant la SNCF, arriver à un tel point d’insatisfaction dans le service public, surtout en comparant avec la dette de l’entreprise, ce n’est pas soutenable.
En guise d’exemple, la ligne Pau-Bayonne est une catastrophe pour la ponctualité. Le gouvernement a raison, il y a un devoir d’inventaire à mener. On s’est trop habitué à une relative immobilité. En matière de services publics, il faut avoir le courage de regarder les choses au fond et en face.
Votre département est bien sûr concerné par les lignes sans beaucoup de voyageurs…
Il y a en effet Bayonne/Saint-Jean-Pied-de-Port mais ce train peut récupérer une bonne partie de voyageurs de tourisme. Par contre, j’ai de bonnes relations avec Alain Rousset mais je ne comprends pas son entêtement pour la liaison Oloron-Bedous. Ça ne marchera pas.
Que dites-vous du rapport Duron, qui renvoie la ligne à grande vitesse Bordeaux-Dax au-delà de 2038 ?
Je ne suis pas du tout satisfait par ce que disent les rapports Duron et Spinetta sur la grande vitesse. Les Espagnols, eux, avancent. Ils seront à la frontière basque en 2022. Pau et Bayonne doivent absolument être desservies.
C’est la condition pour participer au financement en évitant de revivre ce qui a été fait pour la ligne Tours-Bordeaux. Un dossier mal emmanché et une véritable arnaque, je n’ai pas peur de le dire, même si ça ne sert à rien de remuer le passé. 80 millions d’euros pour les Pyrénées-Atlantiques, zéro euro pour les Landes et Ségolène Royal qui, grâce à son statut de l’époque, ne verse pas un sou pour Poitou-Charentes.
« Le TGV reste une très belle solution qui doit se traiter à l’échelle européenne »
Au-delà de Bayonne, il y a en effet un vrai problème technique. La frontière est à 30 kilomètres, c’est la distance d’accélération du TGV. Donc, on peut mettre cette portion entre parenthèses. Mais quand on voit tous les effets bénéfiques de la ligne Tours-Bordeaux, le TGV reste une très belle solution qui doit se traiter à l’échelle européenne.
Vous êtes également le trésorier de l’Association des départements de France. Quel est votre avis sur la réforme territoriale et les économies qu’elle devait entraîner ?
Il fallait simplifier et obtenir des économies. À l’arrivée, aucune simplification et aucune économie. Les départements ont été maintenus, ça m’a rassuré car plus la mondialisation progresse, plus on a besoin de proximité. Et le département est l’échelon parfait pour traiter les problèmes sociaux, le chômage ou la dépendance des personnes âgées ou handicapées.
Le département n’est pas une collectivité rétrograde, comme on le présente trop souvent. J’ai par exemple lancé un plan d’équipement en très haut débit, avec un budget compris entre 350 et 400 millions d’euros, la création d’un syndicat mixte et une délégation de service public à laquelle ont répondu les six principales entreprises du pays.
« La loi Notre aurait dû s’accompagner d’une réforme de la fiscalité locale »
Concernant les finances, la loi Notre (Nouvelle organisation territoriale) aurait dû s’accompagner d’une réforme de la fiscalité locale mais ça n’a pas été fait. Les départements ont perdu de l’autonomie fiscale et des recettes, 10 à 12 millions d’euros par an pour le mien, alors qu’on a toujours plus de prestations sociales à régler.
Le président Macron nous a dit : si vous baissez vos frais de fonctionnement, pas de baisse de dotations. J’ai déjà entendu ce discours, mais pas avec autant de netteté. Après, faut-il davantage faire confiance à ses amis qu’aux autres ? C’est une vaste question.
Selon vous, Macron est-il un président décentralisateur ? Est-il plutôt le président des métropoles ?
Je suis séduit par Macron, vous le savez. Mais je suis d’accord avec Alain Rousset pour dire que la décentralisation marque le pas et qu’il n’y a pas de signe fort. Mais la décentralisation doit aussi se faire depuis Bordeaux, c’est un message amicalement transmis à Alain Rousset. Pour le reste, Emmanuel Macron a quand même apporté la preuve qu’il veut agir pour le monde rural et en faveur de l’agriculture.
Pour les élections européennes de 2019, êtes-vous favorable à une liste de large rassemblement des pro-européens ?
Il faut bien sûr une liste de constructeurs de l’Europe. Il y a encore tellement à faire dans ce domaine. Les décisions nationales n’ont de sens que si elles sont accompagnées par l’Europe. Sans elle, nous sommes des nains. Après, est-ce que le jeu des partis facilitera cette solution ? Je ne sais pas. Mais Macron a au moins insufflé dans ce pays l’esprit de majorité d’idées et de projets.