Javier Garrido, porte-parole de Crefco: « nous devons rester vigilants pour obtenir la réouverture du Canfranc »

Juil 11, 2018 | Ferroviaire, Presse espagnole, Relations transfrontalières

EL DIARIO DEL ALTO ARAGON
D.A.
10/07/2018
HUESCA.- La Coordinadora para la reapertura del ferrocarril Canfranc-Olorón (Crefco) a convoqué pour dimanche prochain 15/7 la manifestation qu’elle organise chaque année dans la gare internationale de Canfranc, pour demander la réouverture et modernisation de la ligne Zaragoza-Canfranc-Pau. Il se trouve que cette année l’association fête ses 25 ans. En conséquence la manifestation sera non seulement revendicative, mais également un hommage aux personnes et organisations qui, dès avant la naissance de Crefco (1993), revendiquaient cette liaison ferroviaire avec le nord de l’Europe, et aussi la reconnaissance de tous les citoyens qui ont soutenu ces manifestations au cours d’un quart de siècle à l’appel de cette organisation qui réunit des syndicats, des groupes écologistes, des associations d’habitants et de cyclistes, etc. « Sans leur présence et leur participation à Canfranc ou ailleurs (Zaragoza, Pau, Ayerbe, Bedous, etc.) Crefco ne représenterait rien et la réouverture ne serait pas envisageable à court terme, comme cela semble être le cas aujourd’hui », a déclaré Javier Garrido, porte-parole de l’association.
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La manifestation va se dérouler dans une ambiance d’optimisme modéré en raison du soutien qu’a reçu la réouverture lorsque la région Nouvelle Aquitaine a rouvert 25 kilomètres de voie. Depuis l’été 2016 les trains français vont jusqu’à Bedous, distant de la gare internationale de seulement 33 kilomètres. C’est également grâce à Alain Rousset, président de la région française voisine qu’a été créé le groupe quadripartite, dont font partie l‘Aragón et les gouvernements centraux espagnol et français, qui a obtenu des fonds de l’Union Européenne pour la réalisation des études pour la réouverture, pour un coût total de 15 millions d’euros. A aussi contribué à cet optimisme le démarrage des travaux d’urbanisme sur la plateforme de la gare de Canfranc qui, même s’ils ne sont pas liés à la reprise du trafic international, s’en trouveraient évidemment bénéficiaires. Enfin  le fait que la Commission ait présélectionné la réouverture de cette ligne parmi les projets éligibles aux fonds européens entre 2020 et 2027, est également un motif d’espoir.
Mais Crefco ne veut pas que cet optimisme puisse faire penser que tout est gagné, car il manque encore l’essentiel : l’accord formel entre l’Espagne et la France. « Et même dans ce cas nous devons rester vigilants – indique Javier Garrido- car nous avons été échaudés par l’accord entre les deux gouvernements au sommet de Santander en 2000, qui disait que le Canfranc rouvrirait avant 2006, et qui s’est écroulé lorsque le Gouvernement français a annoncé qu’il revenait en arrière le jour même de l’inauguration du tunnel routier du Somport ».
Actuellement ce tunnel est traversé quotidiennement par 362 camions en moyenne, qui doivent passer par les routes des vallées de Canfranc et d’Aspe, cette dernière particulièrement étroite, créant toutes sortes de problèmes pour les riverains, qui voient se dégrader leur source de subsistance qu’est le tourisme lié à la nature. L’élargissement de ces routes ne ferait qu’accroitre le trafic et donc aggraver le problème.
Pour Crefco, le déséquilibre entre le rail et la route pour les marchandises à travers la frontière est trop élevé, et c’est le principal objectif de la réouverture du Canfranc. Selon les chiffres de l’Observatoire franco-espagnol du Trafic dans les Pyrénées, la frontière est traversée chaque année par presque 100 millions de tonnes de marchandises (98,4 en 2015, dernière année disponible) par la route (plus de 21000 camions/jour), alors que 3,7 millions de tonnes seulement le font en train. Les conséquences au plan environnemental (émissions de CO2 et particules diesel), de sécurité (accidents) et énergétique (consommation élevée de combustibles fossiles) sont évidentes.
En Aragón l’intérêt pour la réouverture du Canfranc est également économique, car les entreprises de la région qui importent et exportent par fer se voient obligées d’utiliser des itinéraires beaucoup plus longs par Port-Bou ou Irún où, de plus, il faut transborder les marchandises en raison du changement d’écartement entre l’Espagne et la France. Sur ce parcours, ces trains traversent des zones de trafic de voyageurs élevé qui pénalise celui des trains de fret, allongeant les temps de parcours. D’importantes entreprises se voient obligées de prendre la route pour cette raison. Si le Canfranc rouvre, ce sera à l’écartement standard européen jusqu’à Zaragoza, de sorte que disparaitront nombre des inconvénients que rencontrent aujourd’hui les entreprises aragonaises.
« Un autre sujet qui nous préoccupe -précise le porte-parole de Crefco- est que réapparait justement maintenant l’idée de la Traversée Centrale des Pyrénées, car la demande existante ou prévisible en dans les prochaines décennies ne justifie pas l’investissement, et cette hypothèse n’est pas envisagée en France. Parler d’une ligne qui nécessiterait de percer un tunnel de plus de 40 kilomètres, et coûterait des dizaines de milliards d’euros, au moment même où l’entreprise qui a construit la ligne Figueras-Perpignan fait faillite faute de trafic, alors qu’elle ne comporte qu’un tunnel de 10 km, est une aberration qui ne peut conduire qu’à retarder encore l’option la plus sensée et la seule viable, la réouverture du Canfranc ». Son coût est évalué autour de 500 millions d’euros, entre les deux pays. Bien que ce soit une voie unique, elle aurait une capacité de 1,5 à 3 millions de tonnes. « Dans l’hypothèse maximale, avec électrification et ERTMS, le Canfranc serait capable de transporter presque autant de marchandises que celles qui transitent aujourd’hui par tous les passages ferroviaires des Pyrénées, y compris le tunnel du Perthus. En d’autres termes, le Canfranc couvrirait les besoins pour plusieurs décennies », conclut Javier Garrido.
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