Internet : les

Mar 9, 2016 | Numérique, Presse française

La première vague du déploiement de la fibre optique sur l’agglomération paloise est achevée. Mais il reste beaucoup de particuliers et d’entreprises en attente.

Le premier projet à « très haut débit » en France, c’est Pau et son président d’Agglo André Labarrère qui l’avaient lancé en 2003. Treize ans plus tard, où en est-on ? Si l’opérateur délégataire a rempli sa mission avec 56 000 adresses raccordables sur le territoire, près de 20000 ne le sont pas et se considèrent aujourd’hui comme « les oubliés de la fibre ».

À notre appel, plusieurs n’ont pas tardé à se signaler pour exprimer leur désappointement voire leur exaspération. Cela concerne déjà des centaines de particuliers. À l’instar de Valéry Pollet qui habite impasse du Hameau du Vert galant, au nord de Pau, une zone les moins fibrées de l’agglo. « Ce n’est pas l’âge de pierre, mais presque. J’ai un internet du début des années 2000, avec un débit très faible, longtemps de 60 Ko/s, aujourd’hui d’à peine 100Ko/s. Je ne comprends pas avoir une aussi mauvaise ligne alors que je suis proche de l’hôpital et dans un secteur où pullulent les hôtels ».

C’est quoi, c’est qui et c’est combien ?

La fibre optique est un câble qui contient un fil en verre ou en plastique capable de conduire la lumière et sert dans la transmission de données et de lumière. Comme moyen d’accès à internet, elle permet des téléchargements en très haut débit, jusqu’à 100 Mbits/s.
À Pau, Orange et SFR-Numéricable sont les deux opérateurs à développer de la fibre pour le grand public.
Concernant les offres commerciales, cela peut aller de 34 à 75 € par mois selon les formules chez Orange. De 30 à 60 € par mois chez SFR -Numéricâble.

Pire le dimanche et les soirs

Rattaché au réseau de Buros, « à 4,8 km » s’étonne Valéry Pollet , sa maison ne bénéficie donc que de l’ADSL, « mais très médiocre. Je n’ai pas la télé par internet bien sûr. Ni la haute définition. Et pour charger une vidéo par exemple, je la lance une heure avant et je pars faire autre chose. »

Même pour simplement surfer sur certains sites, cette famille doit prendre son mal en patience. « Et le dimanche, ou les soirs après 18h, ça ralentit considérablement ». Impossible également de connecter plusieurs terminaux à la fois.« Quand les enfants seront grands, on sera peut-être obligé d’instaurer des plages horaires pour se partager internet » ironise Valéry Pollet.« C’est un service qui n’est pas rendu. Quand je vois le montant très élevé de ma taxe d’habitation, j’ai le sentiment de payer pour des infrastructures dont je ne peux profiter, ce qui me fait rager. »

« Qu’on arrête les cocoricos et de nous faire des promesses en l’air. Et qu’on nous dise plutôt, clairement, les perspectives pour les non-fibrables ! »

Ce témoignage n’est pas unique. Un peu plus loin, rue du Bouscat, Pierre-Henri Ardonceau est dans le même cas. Lui, c’est le décalage entre le parler et le faire qui l’énerve, « qu’on arrête les cocoricos et de nous faire des promesses en l’air. Et qu’on nous dise plutôt, clairement, les perspectives pour les non-fibrables ! »

A écouter les services de l’Agglo, il faudra patienter. Ces problèmes de fibre ne sont pas réservés à la périphérie. En centre-ville, près du Foirail, « ça rame » également chez Bruno Garcia. « Et ce n’est pas une question de matériel, le mien est très récent. C’est dommage de ne pas bénéficier de la fibre, mais j’espère que les travaux annoncés rue Guynemer changeront cela. »

Une perte de rentabilité

Si le quotidien des particuliers peut être gêné par cette absence de fibre, celui des entreprises l’est encore davantage. Exemple chez Lumi Inter (LI Design) à Lons, sur le boulevard Charles-de-Gaulle depuis 2014. « On s’est déplacé pour gagner en visibilité mais aussi parce que cet axe était fibré. Seulement, notre magasin ne peut pas se raccorder, comme beaucoup d’enseignes voisines » constate amèrement Benjamin Bordanave, co-associé de la société. « C’est très handicapant. Aujourd’hui, nous avons cinq sites dans le sud-ouest, reliés entre eux par un logiciel dont le serveur se trouve au siège, ici à Lons.Le débit devrait être irréprochable. Ce n’est pas le cas et cela ralentit le fonctionnement de notre entreprise. Qui dit perte de temps dit perte de rentabilité et donc d’argent. »

Pour y remédier, cette entreprise a dû investir pour externaliser l’hébergement de son infrastructure informatique, à Toulouse.

Benjamin Bordanave est aussi concerné à d’autres titres, comme particulier, habitant au Cami-Salié, derrière l’hôpital, mais aussi pour tenir la boutique… Orange dans la galerie Tempo de Leclerc. « Car, si bizarre que cela puisse paraître, nous n’avons pas la fibre là non plus…»

L’Agglomération « étudie déjà des solutions pour l’après 2018 »

Gérard Fauveau, directeur des systèmes d’information (DSI) de la communauté d’Agglo donne un éclairage très précis sur la situation du déploiement de la fibre à l’échelle de l’agglomération.

Quand a démarré le déploiement de la fibre ?

Gérard Fauveau : « Une délégation de service public sur quinze ans a été passée avec l’opérateur Axione en 2003 et les travaux ont débuté en 2004. L’objectif fixé était de 55 000 adresses raccordables sur les 14 communes de l’Agglo. On en est aujourd’hui à 56000. Le but a été atteint l’an passé. Et cela a coûté un peu plus de 23millions d’euros, moins 9 millions d’euros environ de subventions. »

Aujourd’hui, il n’y a donc plus de déploiement de fibre ?

« Il y en a très peu car les budgets ont été épuisés. Parfois, à l’occasion de travaux, on peut faire quelques prises ici et là pour sécuriser le réseau. C’est du déploiement d’opportunité mais c’est très rare.

Avec les travaux sur les réseaux pour le futur bus, ce sera l’occasion d’installer la fibre sur certains secteurs ?

Il s’agit là d’une opération de dévoiement, de déplacer un réseau.Tous les concessionnaires sont concernés. L’Agglo a budgété pour la continuité de services mais on ne peut affirmer à cette heure s’il y aura de nouveaux raccordements fibre. »

Plusieurs Palois sont étonnés de voir la fibre passer devant chez eux, sans pouvoir s’y raccorder. Comment l’expliquez-vous ?

« Il faut faire la différence entre le réseau de transport (souvent sur les grands axes) et le réseau de desserte. Pour ce dernier, il y a toute une architecture à respecter et à créer. Sur l’Agglo, il existe deux NRO, nœuds de raccordement optique : l’un au sous-sol de l’hôtel de France, l’autre sous le bâtiment du Piano. De là partent les réseaux fibre vers 137 points de mutualisation (armoires…). Qui ensuite relaient la fibre jusqu’à des boîtiers de raccordement.
À combien estimez-vous le nombre de foyers « oubliés » de la fibre ?
Il y a environ 20000 adresses qui ne sont pas raccordables. L’Agglo est consciente de cette situation que connaissent plusieurs zones comme le nord de Pau. Et la collectivité comprend que ces habitants puissent se sentir défavorisés. »

D’autant que l’ADSL classique n’est pas performant…

« En effet. L’inconvénient avec l’ADSL, plus on s’éloigne du point d’injection du signal (NRA pour nœud de raccordement d’abonnés), plus le signal diminue. Ceux qui sont à plus de 2500 m du NRA en pâtissent. Sur l’Agglo aujourd’hui, il y a sept NRA. »

Y aura-t-il bientôt une seconde vague de déploiement de la fibre ?

« Actuellement, on regarde les conditions de l’après-2018 (fin de la délégation à Axione). Le nouvel exécutif a pris la problématique à bras-le-corps. Mais cela passe d’abord par des études. Elles permettront de construire les scénarios parmi lesquels les élus devront choisir pour mettre en œuvre le meilleur mode d’exploitation ainsi que les conditions de complétude géographique du réseau au-delà de 2018. Il n’est en effet pas possible de poursuivre le déploiement comme cela s’est fait jusque-là. Pour une question d’équilibre économique des comptes du délégataire d’une part, en raison des contraintes budgétaires qui pèsent sur l’Agglo d’autre part. »

Faut-il donc trouver d’autres moyens que souterrains pour relier les foyers encore sans fibre ?

« Notamment. Il faut réfléchir à des solutions techniques. L’aérien ? Pourquoi pas, mais ce n’est pas la tendance. Mais sans faire de travaux, on peut utiliser les gaines de l’opérateur Orange. Une convention vient d’être signée en ce sens. Maintenant, il faut regarder les conditions techniques et financières. Cela avait été expérimenté il y a quelques années à Bizanos pour fibrer une petite zone. On sait que ça marche. »

 Journal La République, mercredi 9 mars 2016
 

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