Heraldo de Aragón
V.Millán. Zaragoza
11/04/2016
Attaque d’un camion aragonais de viande de porc par des agriculteurs français l’été dernier / Groupe Jorge
Il y a longtemps que la frontière n’avait pas été aussi présente. Les nouveaux cas d’attaques de camions espagnols par des agriculteurs et éleveurs français s’ajoutent à la hausse des contrôles à la frontière en raison de la menace terroriste pour la première fois depuis de nombreuses années. L’Espagne, et en particulier l’Aragon, retrouvent l’obstacle des Pyrénées qu’on croyait éliminé.
Mercredi dernier le Ministère des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur français devant l’indignation manifestée par les secteurs agricole et des transports après que cinq camions espagnols aient été attaqués par des éleveurs français près de la frontière. Les attaques, qui réapparaissent régulièrement, se sont renforcées ces derniers mois, et sont dénoncées par les syndicats agricoles, qui réagissent face à l’inertie des pouvoirs publics.
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Le secteur fruitier a été historiquement un des plus touchés par les protestations des agriculteurs français, mais ces derniers mois, en particulier l’été dernier, c’est la viande de porc et les produits de l’élevage qui ont eu le plus de problèmes. En juillet dernier, un camion aragonais qui transportait de la viande de porc du Groupe Jorge a été attaqué et vidé de son contenu en Normandie. “L’an dernier c’a été le tour des fruits, comme tous les étés. Aujourd’hui c’est nous, et cela devient presque une institution. Les sanctions ne sont pas à la hauteur, et finalement c’est eux qui ont pris l’habitude d’attirer ainsi l’attention de leurs politiques”, dénonçait José Luis Lavilla, producteur de porcs de La Litera et président de l’Association des éleveurs de Huesca.
Les producteurs aragonais se plaignent que les protestations de leurs homologues français –qui ont fait l’an dernier plusieurs manifestations de masses- ont les mêmes motifs qu’ils pourraient avoir eux-mêmes : des prix de vente qui bien souvent ne couvrent pas les coûts de production et des pertes de parts de marché, en particulier dans les secteurs porcin et fruitier, qui ont été touchés par le veto russe au niveau européen, mais dans une moindre mesure en Espagne grâce à leur position plus favorable au cours des dernières années.
Les organisations d’agriculteurs suggèrent que l’Espagne prenne des mesures similaires envers les camions qui transportent en Espagne le lait français, accusant la France de vendre le lait à perte.
Du côté des transporteurs, les réclamations sont identiques. “Notre fédération nationale s’est élevée contre les derniers incidents. L’indignation est renforcée par le sentiment d’impunité de ceux qui perpètrent ces attaques, la Gendarmerie ne faisant apparemment pas grand-chose contre des agissements qui vont à l’encontre du principe fondamental au sein de l’Union qu’est la libre circulation des marchandises”, dénonce Fernando Viñas, secrétaire général de la Fédération des Entreprises de Transport de Marchandises de Zaragoza (Fetraz).
Par ailleurs les attentats de Paris et de Bruxelles ont amené l’Union à renforcer les contrôles entre les pays membres. Un dispositif nécessaire, mais qui a ralenti le passage des marchandises par Irún et La Junquera (les principaux points de passage des camions) ainsi qu’aux trois points de franchissement de la frontière en territoire aragonais : le Pourtalet, et les tunnels du Somport et de Bielsa, qui même si le trafic de camions est réduit, particulièrement en hiver, sont encore utilisés par plus de 300 transporteurs par jour.
« Le renforcement des contrôles allonge les temps de voyage et génère des surcoûts pour les entreprises qui travaillent à l’international, déjà fragilisées par les difficultés. Cela dit, le secteur comprend et soutient logiquement les contrôles et les mesures de sécurité, mais notre crainte est que ce ne soit pas qu’une mesure temporaire et qu’en définitive les frontières reviennent en force, ce qui coûterait cher », explique le secrétaire général de Fetraz.
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Jusqu’à présent, depuis que la France a renforcé les contrôles avant même les attentats pour prévenir d’éventuelles menaces pendant le sommet du Climat, le trafic routier de marchandises entre l’Aragon et la France a baissé de près de 48% selon les derniers chiffres publiés par le Ministère de Fomento, correspondants au dernier trimestre 2015.
L’Aragon est passé de 530.000 tonnes expédiées durant les derniers mois de 2014 à seulement 274.000 l’hiver dernier. Une différence d’autant plus importante que jusqu’à fin octobre les expéditions avaient légèrement augmenté par rapport à l’année précédente. Pour le moment le secteur n’attribue pas encore cette baisse aux derniers problèmes ; en attendant de voir si la tendance se confirme.