PERIODICO DE ARAGON
Marcos Calvo Lamana
Saragosse | 10·05·23
L’opérateur ferroviaire à grande vitesse Ouigo est en Espagne depuis deux ans. Cela signifie que depuis deux ans, le transport de passagers en train n’est plus un monopole. La marque française est venue avec des prix bas sur un marché « élitiste » en ouvrant sa première ligne avec cinq AR par jour sur Madrid – Barcelone, avec trois arrêts à Saragosse. La compagnie a transporté six millions de passagers, explique Federico Pareja, directeur commercial et marketing de Ouigo, un chiffre important qu’ils veulent encore accroitre avec l’extension vers le sud.
Q- Après deux ans d’expérience, Ouigo peut-il maintenir sa politique low-cost ?
R- C’est possible si les coûts associés sont à un niveau normal et si le prix de l’électricité n’explose pas, comme cela s’est produit l’an dernier, et qui nous a tous pris par surprise. Nous ne répercutons jamais le coût de l’électricité dans le prix du billet, bien que ce coût ait été multiplié par 10.
Q- Vos plans à deux ans sont-ils tenus, ou le bilan est-il négatif ?
R- Nous sommes en ligne sur nos prévisions sur le nombre de passagers et sur la réponse du marché. Nous savions que la grande vitesse espagnole était un marché très élitiste avant notre arrivée car le prix était un facteur limitant. Ce paradigme est aujourd’hui rompu et des milliers de personnes y sont venues alors qu’auparavant cela leur était hors de portée.
Q- Vous êtes en conflit avec ADIF au sujet du coût d’usage des lignes ferroviaires.
R- Nous sommes en conflit sur les droits que nous payons à Adif pour l’utilisation de la ligne, qui sont exagérés et qui n’existent nulle part ailleurs en Europe. Dans la mesure où ces prix baisseront, nous pourrons également baisser nos prix. Nous n’avons jamais envisagé de cesser nos activités car nous regardons à moyen et long terme, mais une de nos lignes n’est pas rentable : Madrid-Barcelone avec arrêt à Saragosse.
Q- Pourquoi n’est elle pas rentable ?
R- Sur cette ligne, nous payons en fonction du nombre de places offertes, ce qui n’est pas le cas sur d’autres services. Nous payons la même chose que le train soit plein ou vide, ce n’est pas habituel. Nous avons des trains à deux niveaux sur lesquels le nombre de places est plus élevé sans que les passagers perdent en espace dans le train, ce qui permet de baisser les coûts. L’accord que nous avons aujourd’hui avec ADIF n’est pas soutenable pour nous et cette ligne n’est aujourd’hui pas rentable malgré l’investissement important qui a été fait pour entrer sur le marché.
Q- Si le conflit n’est pas résolu, cela entrainera-t-il une hausse des prix ?
R- Nous n’envisageons pas de hausse des prix. Nous pensons qu’il faut plutôt baisser les coûts ou du moins changer ce mode de calcul qui pénalise la capacité. Nous payons déjà en fonction du poids du matériel roulant que nous mettons sur les voies. Faire payer également pour le nombre de places n’a aucun sens : cela génère un stress inutile sur le marché. Nous maintenons des prix bas pour lutter contre notre véritable adversaire : la voiture. Nous devons tous effectuer un transfert de la route vers le train.
Q- Qu’en est-il de la concurrence ?
R- Tout ce qui est concurrence est bon pour le marché et c’est pour nous une motivation, mais l’offre a explosé ces derniers mois avec l’arrivée du troisième opérateur [l’hispano-italienne Iryo, qui a démarré en novembre 2022]. Elle est venue de façon soudaine, avec de nombreuses fréquences journalières et sans montée en charge progressive qui aurait permis de suivre la demande. Nous n’avons pas noté de baisse significative du nombre de voyageurs, et nos trains restent autour de 95% d’occupation, mais remplir les trains se fait aujourd’hui à des prix beaucoup plus bas qu’il y a un an. Ceci, joint à des coûts très élevés aujourd’hui met en péril le résultat de Ouigo. Si les coûts baissent, nous pourrons parfaitement maintenir les prix. Dans le cas contraire, le marché réagira et les prix seront en hausse : c’est la loi de l’offre et de la demande.
Q- La présence de Ouigo en Espagne est-elle menacée ?
R- Nous ne prévoyons aucun scénario de retrait. Je le répète : il faut regarder à moyen et long terme. Il y a de la place sur le marché pour tous les concurrents.