L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) estime que l’incidence du projet est trop peu significative pour justifier son financement, fût-il partiel, par les usagers de l’autoroute.
Pour le gendarme des autoroutes, le tiers des ouvrages inscrits dans le plan de relance autoroutier ne remplissent pas les critères justifiant d’imposer leur financement à l’usager. Dans une salve d’avis transmis au ministère des Transports, l’Arafer conteste en effet le recours à la hausse des tarifs de péage pour financer 23 des 57 opérations envisagées pour un coût global de 803,5M€. Une liste dans laquelle figure le demi-échangeur de la Virginie.
Pour mémoire, l’aménagement estimé à 11,3M€, charges d’exploitation comprises, doit être financé pour moitié par les collectivités. L’autre moitié incombe à l’État… via les Autoroutes du sud de la France (ASF) et le porte-monnaie de l’automobiliste.
4 600
Soit l’estimation du nombre de véhicules à la virginie. Soit pas assez selon l’arafer pour justifier la hausse du péage
Pour financer sa part sans décaisser d’argent, l’État compte en effet recourir aux services des concessionnaires. Contre la signature d’un avenant au contrat de concession, les gestionnaires d’autoroute doivent en effet assumer sur leurs deniers l’investissement, avant de se refaire via une hausse des tarifs de péage. Une hausse qui s’appliquera à l’ensemble des usagers des autoroutes concernées. « Ces projets seront cofinancés par les collectivités et par Vinci Autoroutes (NDLR : propriétaire d’ ASF) grâce à des hausses de péage additionnelles annuelles comprises entre 0,161 % et 0,258 % en 2019, 2020 et 2021), précisait ainsi fin mars les ASF.
50 % financé par les péages
Ce montage financier a cependant laissé l’Arafer de marbre. Et pour cause. Si cette autorité indépendante n’a pas vocation à se prononcer sur « l’intérêt public » d’un projet, elle doit en revanche s’assurer du respect du code de la voirie routière. Et notamment de son article L.122-4, qui prévoit que seul le financement d’ouvrages strictement nécessaires ou utiles à l’exploitation de l’autoroute a vocation à être couvert en priorité par le produit du péage. Et, à titre exceptionnel seulement, par l’État et les collectivités territoriales.
Et c’est bien là que le bât blesse pour la Virginie. « Les études de trafic font état d’un trafic prévisionnel de 4 600 véhicules par jour. Ce trafic proviendrait, pour près d’un tiers, d’un report du trafic empruntant actuellement l’échangeur de Salies et, pour le reste, d’un trafic induit par la mise en service du projet », peut-on lire dans l’avis.
« Pour autant, ni le niveau modéré de trafic envisagé, ni la distance entre les échangeurs existants (qui n’ont pas été signalés comme faisant l’objet d’une saturation), ni enfin les conditions de circulation de l’autoroute ne semblent justifier, au regard de la zone concernée, la réalisation d’un ouvrage supplémentaire. Dans ces conditions, il n’est pas établi que l’opération, tout en contribuant à résoudre des difficultés de congestion de la voirie locale, présente une incidence significative positive sur l’exploitation de l’autoroute existante. Dès lors, il n’est pas établi qu’elle réponde à la condition stricte de nécessité ou d’utilité au sens de l’article L. 122-4 pour en permettre le financement, fût-il partiel, par l’usager de l’autoroute », continue le rédacteur de l’Arafer.
Quelques pages plus loin, le dernier pointera par ailleurs les coûts avancés par le concessionnaire dans ses estimations des ouvrages prévus dans l’avenant. Ces devis dépassent en effet les projections réalisées par l’Arafer.
Rude décision pour l’État
Maintenant que l’Arafer a accompli son boulot et recommandé « la révision des avenants avant signature », reste cependant à voir quelle suite le gouvernement donnera à l’invitation.
L’État va-t-il revenir avec les concessionnaires à la table de négociation ? Va-t-il finalement mettre de ses propres deniers au pot. Ou bien ignorera-t-il l’alerte et signera-t-il les avenants dans leur rédaction actuelle ? L’avis du Conseil d’État attendu prochainement devrait alimenter cette réflexion. La jeune Arafer, née sous la présidence Hollande des efforts du ministre Emmanuel Macron, risque en tout cas de donner quelques maux de tête au président. Le destin de la Virginie dépendra dans tous les cas de cette décision.
La bretelle de Carresse-Cassaber également retoquée
Pour l’Arafer, le financement de la bretelle de Carresse pose un problème identique à celui du demi-échangeur de la Virginie.
L’Arafer n’a pas fait de jaloux parmi les ouvrages béarnais. Les deux autres projets d’échangeurs, à Morlaàs et Carresse-Cassaber, ont en effet aussi fait l’objet d’un avis négatif de la part du gendarme de l’autoroute. Le second, pour le même motif que celui opposé pour la Virginie.
«Il ressort de l’analyse du dossier que ce projet est principalement motivé par la préoccupation de délester la voirie locale d’une part du trafic qu’elle supporte (en particulier du trafic poids lourds, qui a vocation à croître avec le développement d’entreprises installées sur le territoire de Carresse-Cassaber), ainsi que de « redynamiser le secteur » pour rendre cette commune « beaucoup plus accessible et attractive qu’auparavant », lit-on dans l’avis de l’Arafer.
«En revanche, compte tenu de la distance entre les échangeurs existants (qui n’ont pas été signalés comme faisant l’objet d’une saturation particulière), et en l’absence de démonstration d’une induction de trafic (hors trafic de report depuis les échangeurs adjacents), les conditions de circulation de l’autoroute ne semblent pas justifier, au regard de la zone concernée, la réalisation d’un ouvrage supplémentaire. Dans ces conditions, , il n’est pas établi que l’opération envisagée, tout en contribuant à réduire les désagréments liés à la circulation de poids lourds sur la voirie locale, présente une incidence significative positive sur l’exploitation de l’autoroute existante.»