EL PAIS
LORENZO CALONGE
13 AVRIL 2017
Quel est le moyen le plus rapide pour aller en train de Valence à Saragosse ? En faisant le crochet par Madrid. La faute en revient à l’état précaire de la ligne directe, via Teruel, qui oblige les trains à ralentir en de nombreux endroits à 30 km/h, et même parfois à 20 km/h. Les services de voyageurs, à peine trois allers et retours par jour, mettent plus de cinq heures pour les 359 km qui séparent la troisième ville plus peuplée d’Espagne et la cinquième (presque une minute au kilomètre), alors qu’en prenant deux TGV avec changement à Madrid, en faisant le double de kilomètres, on met une heure de moins. Et pour les marchandises, le mauvais état de la voie est encore plus pénalisant.
Les convois de voitures de General Motors qui vont de l’usine de Figueruelas (Saragosse) au Port de Valence mettaient dix heures et demie, un voyage interminable qui empirait encore quand il pleuvait. “La combinaison de l’eau et de la pente de certaines sections faisait patiner la machine et il a même fallu une fois faire machine arrière”, affirme l’entreprise. Face à cette situation, Renfe a décidé il y a quelques mois de faire passer par Tarragona le train que la compagnie affrète chaque semaine à destination de la Turquie “car cela revient moins cher”. Le détour est de près de 400 kilomètres aller et retour.
Une autre grande entreprise qui a dû également abandonner la ligne est BSH Electroménager, maison-mère de marques comme Balay, Bosch, Siemens ou Ufesa. “Après deux ans d’exploitation de la ligne pour amener des conteneurs au magasin de stockage de Saragosse, les surcoûts étaient insupportables et nous sommes passés à la route”, affirme le directeur de la logistique, Eduardo Compains. Au cours des cinq dernières années, ce sont au moins 18 convois par semaine qui ont abandonné la ligne, dénonce une étude de la Confédération des Entreprises de Valence (CEV).
Les camions, et dans une moindre mesure le train via Tarragona voire Madrid, sont les alternatives à une voie déficiente (terminée dans les années 30) mais qui, selon les analyses techniques, offre un fort potentiel puisqu’on trouve à un bout Plaza (la première plateforme logistique d’Espagne et la cinquième d’Europe) et à l’autre bout le port de Valence (29° du monde, sixième d’Europe et second de la Méditerranée). En outre c’est le trajet le plus court pour rejoindre l’océan atlantique.
Aujourd’hui, seuls l’empruntent deux trains de marchandises par semaine, et uniquement à vide à l’aller sur la section Bilbao-Silla, parce que le retour à charge n’est pas possible, souligne l’organisme patronal valencien (Adif ne fournit pas d’informations). Pourtant son rapport indique que 48 à 54 services pourraient l’emprunter si l’infrastructure était en état. “La ligne n’est pas compétitive en raison des restrictions d’exploitation et de vitesse, et oblige les entreprises à recourir à d’autres moyens”, signale Francisco de la Fuente, directeur des plateformes logistiques d’Aragón. “Certains convois mettent trois heures de plus qu’une locomotive du début du XXème siècle ”, ajoute-t-il en allusion au transport des véhicules de General Motors.
Le tissu industriel de tout le secteur ne cache pas son mécontentement. “Nous avons proposé de financer les travaux”, remarque Aurelio Martínez, président de l’Autorité Portuaire de Valence, qui gère les ports de Sagunto, Valence et Gandía. “Nous avons réservé 62 millions, mais c’est Adif qui doit lancer l’opération. Pour nous cette ligne est stratégique face à la concurrence du Port de Barcelone”.
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Une étude récente de l’Université Polytechnique de Valence (UPV) chiffrait à 360 millions la modernisation de la voie. Pour le moment, Adif a budgété 98,3 millions d’ici à 2021, pour améliorer la ligne, construire des voies de garage et des accès au port de Sagunto, et installer une liaison train-terre d’ici à la fin de l’année. Pour l’avenir, il reste à prendre une décision stratégique : faire passer le couloir Atlantique-Méditerranée par cette ligne ou par Tarragona.
Au chapitre des voyageurs, quelques 400 par jour, en grande majorité entre Saragosse et Teruel, Fomento promettait en 2009 une LGV entre la capitale aragonaise et Valence, passant par Teruel, qui aurait réduit le temps de trajet des 4 heures 40 d’alors à “moins de deux heures”. Mais le projet a été enterré et la durée du voyage a augmenté à plus de 5 heures.
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Etat de la voie entre Calamocha et Navarrete. Photo cédée par l’association TERUEL EXISTE