C’est l’une des conclusions choc du rapport de la Cour des comptes consacré aux trains express régionaux, les TER. Additionnés, les coûts d’exploitation, les investissements, la prise en charge des retraites des cheminots dédiés à ces lignes, le chiffrage de l’impact de l’empreinte carbone des motrices diesel et de diverses nuisances environnementales approchent 8,5 milliards d’euros. Une somme peu parlante en elle-même. Sauf si on la rapproche du nombre d’usagers convoyés chaque année sur près de 20 500 km de voies. Exception faite du taxi à un ou deux passagers, ce mode de transport est le plus coûteux qui puisse exister : 61 centimes d’euros en moyenne par voyageur et par kilomètre.
Exception faite du taxi à un ou deux passagers, ce mode de transport est le plus coûteux qui puisse exister
La fréquentation recule
Le TER creusois qui assure une fois par jour la liaison Busseau-Felletin avec 13 passagers à bord revient forcément beaucoup plus cher que la rame bondée qui dessert les villes-satellites des métropoles. Mais qu’elles habitent en zone rurale ou en secteur périurbain, les 900 000 personnes qui montent quotidiennement dans un TER sont logées à la même enseigne (Les TER desservent toutes les régions à l’exception de l’Ile de France et de la Corse). Elles ne financent qu’à hauteur de 12 % le service dont elles bénéficient. Le contribuable, via notamment les régions (3,9 milliards) et l’État (2 milliards), paie le reste. Dans des proportions parfois exorbitantes, comme par exemple entre Belfort et Delle où chaque voyage est subventionné à hauteur de 107 €.
Depuis 2002, les TER sont pilotés en double commande. Par les régions devenues autorités organisatrices de transport et par SNCF Mobilités, jusqu’à ce jour encore exploitant ferroviaire unique. Dans un premier temps, cette décentralisation articulée autour de conventions signées par les deux partenaires a eu des effets bénéfiques. Plus de trains sur les rails, davantage d’investissements dans les infrastructures, réseaux et gares et des passagers en plus grand nombre dans les voitures, le trafic doublant entre 1995 et 2012. Mais au cours des dernières années, en dépit de l’engagement financier soutenu des régions et malgré des politiques tarifaires attractives, la fréquentation recule alors que les coûts d’exploitation supportés par les deniers publics ne cessent de croître.
Un service qui se dégrade
La concurrence d’autres modes de transport (covoiturage et cars Macron) et la diminution de la population dans certains territoires peuvent expliquer en partie ces pertes de clientèle. Mais celles-ci tiennent surtout à la dégradation de la qualité du service rendu. Retards récurrents, annulations, ralentissements, pannes… Nombre d’indicateurs de régularité sont en berne depuis plusieurs années. Du fait des grèves mais aussi et surtout à cause du délabrement d’une grande partie du réseau. Selon la SNCF, 29 % des lignes TER seulement sont en bon état. En Nouvelle Aquitaine, la liaison Périgueux-Agen illustre ce triste panorama. Depuis 2016, du fait de la déliquescence de certaines sections, le temps de trajet s’est accru de 25 minutes.
Lourdement endetté, SNCF réseau, l’établissement du groupe public chargé de la maintenance, ne finance presque plus les travaux de restauration des axes les moins fréquentés. Et l’État, qui a toujours autant de mal à boucler ses fins de mois, réduit lui aussi ses subsides. La question de la survie des petites lignes à faible trafic et le plus souvent non électrifiées, celle du maintien des 285 gares qui accueillent en moyenne moins de trois voyageurs par jour ne peuvent que se poser.
Productivité en berne
Mise en place de service de bus, circulation sur une seule voie, gestion par un autre opérateur que la SNCF dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, révision des cadences de passage… De multiples solutions alternatives existent pour abaisser les charges sans abandonner les dessertes des zones isolées. Mais leur mise en œuvre se heurte à une répartition des rôles peu claire et dispendieuse entre les différents acteurs. « La responsabilité de ces coûts élevés est partagée entre les régions et SNCF Mobilités », souligne la Cour des comptes.
Les premières s’attachent trop souvent à maintenir des offres déficitaires., peinent à fixer des horaires de desserte en phase avec les attentes des usagers, engagent des investissements discutables comme la Nouvelle Aquitaine entre Oloron et Bedous et la Normandie à la gare Sainte Lazare ou les portiques fraîchement installés restent finalement ouverts compte tenu du flux de voyageurs. Hormis le Luxembourg, la SNCFest sans doute l’opérateur le plus cher d’Europe du fait de ses charges de personnel et de sa faible productivité, deux fois inférieure à celle de la Deutsche Bahn son concurrent allemand. Ce qui ne l’empêche pas et ce n’est pas le moindre des paradoxes d’afficher une rentabilité de plus de 5 % assise sur une trésorerie plantureuse de 800 millions d’euros.
l’édition du soir