El País
JAVIER SALVATIERRA
Madrid 2 NOV 2016
Qu’est-ce qui est le plus facile? Changer les roues de la voiture ou refaire la route ? Le train espagnol de marchandises se trouve aujourd’hui face à cette alternative. TRIA, une entreprise espagnole d’ingénierie, cherche à développer la solution qui parait la plus simple, celle des roues. En association avec les entreprises sévillanes AZVI et OGI, elle développe un essieu à écartement variable pour trains de marchandises qui, si tout va bien, pourrait révolutionner ce type de transport ferroviaire, en forte concurrence avec la route et qui joue son avenir sur le Couloir Méditerranéen, la ligne ferroviaire qui longera la façade du levant, d’Algésiras à la frontière française, pour assurer les exportations de marchandises. L’Administrateur des Infrastructures Ferroviaires (Adif), qui dépend de Fomento, a passé une commande de 4,7 millions d’euros au consortium. Après de nombreux essais, il est prêt pour faire des essais sur voie d’ici à la fin de l’année.
Pensons au train Yixinou, un méga-convoi qui relie Madrid à la ville chinoise de Yiwu en passant par la France, l’Allemagne, la Pologne, la Biélorussie, la Russie et le Kazakhstan. Sur ce trajet, explique Francisco Paños, président de TRIA, “il doit changer d’essieux quatre fois. Le trajet dure un mois”. Chaque changement de roues dure six heures : “il faut lever le train et changer les essieux”, explique l’ingénieur, qui a fondé TRIA avec deux associés en 2000 et qui emploie aujourd’hui 90 personnes, avec un chiffre d’affaires de 90 millions d’euros. Ce problème est particulièrement important en Espagne, qui a un écartement de voies de 1668 millimètres, soit environ 20 centimètres de plus que l’écartement international. Pour les trains de voyageurs la solution existe, avec des essieux à écartement variable et des changeurs qui réajustent ces essieux automatiquement au passage du train, en quelques minutes. TRIA a dessiné en 2001 un changeur dual compatible avec les deux systèmes existants, celui de Talgo et celui de CAF. Des dizaines de ces systèmes sont en service partout en Espagne pour passer de l’écartement ibérique à l’écartement international, qui est celui des LGV.
Mais il n’y avait pas de solution pour les trains de marchandises, beaucoup plus lourds. Jusqu’à présent la solution retenue a été la pose d’un troisième rail à l’intérieur de la voie ibérique. “Mais c’est très pénalisant, en termes de vitesse, de gabarit, de signalisation, etc… Par exemple, cela pose des problèmes pour les caténaires, car le train est décentré et parce que les tensions d’alimentation sont différentes”, explique Paños. Le troisième rail est en service sur la ligne du port de Barcelone à la France et la liaison avec Valence est en cours de réalisation. “Mais maintenant des frontières intérieures apparaissent”, indique Paños.
Et il y a un problème de coût : “changer tout le réseau ibérique à l’écartement international coûterait 50 milliards, et pour le seul troisième rail un milliard a été dépensé. Nous dépensons des centaines de millions pour relier les ports alors qu’on pourrait équiper les trains d’une solution à essieu variable et installer des dizaines de changeurs”, observe Paños. Il calcule qu’il faudrait équiper, dans le meilleur des cas, 20 trains transfrontaliers -a raison de 100 essieux chacun, 20.000 euros par essieu, soit 40 millions– plus les changeurs. “Mettons 50 millions. Alors qu’on en dépense des centaines, c’est déraisonnable” regrette-t-il.
C’est pourquoi Adif recherche une autre solution et a lancé un concours pour la réalisation d’un essieu à écartement variable. TRIA et Azvi se sont associés et ont ressorti de l’oubli un projet des années 60, l’essieu OGI. Cette entreprise sévillane avait remporté en 1966 un concours international de Renfe pour un essieu à écartement variable pour les marchandises. Les essais avaient été positifs mais le projet fut abandonné faute d’intérêt économique. TRIA et Azvi ont ressorti les plans “qui étaient couverts de poussière sur les étagères du Ministère de l’Industrie et les ont actualisés. Adif leur a passé un contrat de 4,7 millions d’euros. Ils ont fabriqué plusieurs prototypes et, après une période de tests, les mettront sur voie en novembre, selon Paños. “Nous allons équiper trois wagons, deux porte-voitures, chargés à 50 ou 60 tonnes, et un porte-conteneurs chargé à 100 tonnes, et nous ferons au moins 150.000 kilomètres sur divers écartements”, explique-t-il, avec un changeur existant à Albacete.
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Les russes, qui ont un écartement de voies intermédiaire entre l’ibérique et l’international, sont très intéressés, car notre essieu fonctionne dans les trois positions”, raconte Paños. Les allemands et les polonais cherchent depuis des années dans cette direction, jusqu’à présent sans succès.
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