Canfranc et Bedous, à 25 kilomètres d’un rêve

Juin 18, 2018 | Ferroviaire, Presse espagnole, Relations transfrontalières

HERALDO DE ARAGON
P. Zapater
18/06/2018
En France, on suit avec intérêt le projet de revitalisation de l’ancienne gare de Canfranc et la construction de la nouvelle gare. Le transfert au dépôt de machines et au tunnel de manœuvres des 38 véhicules historiques qui étaient jusqu’ici entreposés dans les hangars et sur une des voies intermédiaires laisse la voie libre aux travaux qui débuteront le 27.
Canfranc vit un moment décisif pour un avenir qui commence à se dessiner, avec en outre la réouverture de la ligne internationale qui relierait jusqu’en 1970 les deux côtés des Pyrénées. En France, le Comité pour la Réouverture de la Ligne Oloron-Canfranc (Creloc), tout comme en Espagne la Coordinadora para la reapertura del ferrocarril Canfranc-Olorón (Crefco), militent depuis des décennies pour que les trains traversent à nouveau le vieux tunnel ferroviaire du Somport.
Côté français il y a 25 kilomètres sur lesquels le train ne circule plus depuis 48 ans. Le 27 mars 1970, un convoi de wagons chargés de maïs s’arrêta parce que les roues patinaient sur les rails gelés. Les machinistes arrêtèrent le train et descendirent pour tenter de résoudre le problème mais un instant plus tard les freins lâchèrent. Le train hors de contrôle se lança sur le pont de L’Estanguet –en béarnais cela signifie le petit arrêt- détruisant sa structure métallique.
Les voies, et ce qu’il en reste, serpentent entre la première gare française, Les Forges d’Abel, et celle de Bedous, qui est à nouveau reliée par fer depuis 2016 avec Oloron. La ligne présente un tracé abrupt, avec ponts et tunnels qui longent par endroits la route RN-134. La végétation cache les rails au passage de localités de la vallée d’Aspe comme Urdos ou Etsaut, en Nouvelle Aquitaine. Certaines gares sont devenues des logements ; d’autres restent à l’abandon.
Pendant ce temps, les Gouvernements d’Aragon et de Nouvelle Aquitaine travaillent à sa réouverture et la Commission Européenne vient de présélectionner pour le budget 2020 des réseaux européens le projet de la ligne ferroviaire Pau-Huesca.
Ce soutien redonne espoir en Aragón et en Nouvelle Aquitaine pour l’approbation des 7.5 millions nécessaires à la réalisation des études définitives. Mais il reste encore d’autres obstacles qui entravent cette initiative : “le problème est qu’en France, au niveau général, le Canfranc ne préoccupe guère. Certains souhaitent la réouverture, et quelques-uns s’y opposent, mais beaucoup de français sont indifférents et pensent que l’argent doit aller à d’autres projets et que le rétablissement de la ligne n’est pas primordial”, explique Gérard Lopez, membre du Creloc.
“En Espagne, tous les politiques sont d’accord et ici en France le président de la région de Nouvelle Aquitaine, Alain Rousset, est également favorable. En vallée d’Aspe certains maires sont favorables, mais d’autres sont contre, préférant qu’on modernise la route et qu’on fasse les déviations des villages traversés”, ajoute Lopez. « Actuellement, la RN-134 supporte un trafic de camions très dangereux. Ils viennent d’Espagne jusqu’à Oloron. Auparavant ils passaient par une autre route de la vallée qui a subi 12 accidents en un an ».
Le Creloc soutient la réouverture du chemin de fer « pour retirer des camions de la route. Rétablir la circulation ferroviaire aurait un coût de l’ordre de 400 millions d’euros. On ne peut modifier le tracé de la ligne car c’est une vallée très encaissée, mais on peut l’améliorer. Trois ponts sont à reconstruire, et les pierres d’un des tunnels ont bougé, ce qui complique la réparation », explique-t-il.
Outre la question politique, côté français l’aspect financier préoccupe également : « Si l’Europe apporte 40% du financement total, beaucoup se demandent d’où sortiront les 60% restants. Le moment venu, l’initiative privée devra peut-être entrer en jeu », conclut-il.

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