Camions en Haut-Béarn : pourquoi l’Aspe suit l’exemple de la Roya

Juin 6, 2019 | Presse française, Routier

Camions en Haut-Béarn : pourquoi l’Aspe suit l’exemple de la Roya
À Accous, lors d’une manifestation d’opposants aux camions en septembre 2018

archives d. le deodic

Neuf communes de la vallée d’Aspe ont pris un arrêté contre les camions transportant des matières dangereuses, lundi, sur l’exemple d’une action similaire dans les Alpes-Maritimes

Théoriquement, à l’heure où nous écrivons ces lignes, et sûrement à celle où vous les lisez, les camions transportant des matières dangereuses ont l’interdiction de circuler sur les communes de Sarrance, Bedous, Osse-en-Aspe, Accous, Lées-Athas, Cette-Eygun, Etsaut et Borce. Soit les neuf communes dont les maires ont signé, ce lundi, un arrêté pour en finir avec les menaces d’accident de ces poids lourds sur la dangereuse RN 134. Menaces qui avaient pris une nouvelle dimension le 27 août 2018, lors de la chute d’un camion transportant du chlorite de soude dans un ravin aspois.

Théoriquement seulement, car comme le rappelle l’avocat palois Jean-François Blanco, « ces arrêtés sont applicables, sauf si le préfet les défère devant le tribunal administratif. En l’état, ils sont en vigueur, mais il faut que la force publique soit mise à disposition et que des panneaux de signalisation soient installés. Or la force publique dépend du préfet ». Les neuf arrêtés ont, en tout cas, été transmis à la sous-préfecture d’Oloron, qui en a pris acte.

« Il y a une jurisprudence »

« Nous allons maintenant exercer un contrôle de légalité, dans un délai de deux mois, explique le sous-préfet, Christophe Pécate. Dans cette phase d’examen, nous allons interroger le ministère compétent. Les textes reçus sont précis et ne concernent pas tous les transports de matières dangereuses. C’est le transit transfrontalier qui est ici visé, et non la desserte locale. Rappelons que la commune de Borce avait déjà pris un arrêté à l’été 2018 pour interdire la circulation des poids lourds. Il n’avait pas passé le contrôle de légalité. »

À l’époque, les autres cités de l’Aspe n’avaient pas suivi Borce. La maire d’Accous, Paule Bergès, explique pourquoi : « On avait décidé que le plus important était de signer tous en même temps et qu’on le ferait donc plus tard, de façon concertée. Nous le faisons aujourd’hui car il y a désormais une jurisprudence dans le droit français, avec l’exemple de la vallée de la Roya, où là aussi des maires ont pris des arrêtés contre les camions. »

Préoccupations communes

Catherine Rainaudo fait partie de l’association Roya extension nature (REN), qui combat depuis plus de vingt ans les camions qui transitent entre l’Italie et la France via le tunnel du col de Tende. Elle-même s’était rendue en vallée d’Aspe pour participer à l’une des manifestations du collectif Stop aux camions de la vallée d’Aspe, il y a quelques mois.

« Il en va de la responsabilité du préfet de protéger les habitants de la vallée d’Aspe. C’est devenu un sujet démocratique »

« Nous avons des préoccupations communes concernant le trafic des véhicules, et bien sûr des poids lourds, dans nos vallées respectives, explique-t-elle. Ces derniers frôlaient les maisons et les balcons dans les villages de la vallée. La lutte est ancienne, mais elle a repris en 2014, au moment du lancement des travaux d’une deuxième galerie pour le tunnel, avec pour finalité le passage d’encore plus de poids lourds. » Comme ici, la mobilisation a été importante et le souhait de l’opinion publique a convaincu les élus d’agir en conséquence.

« Depuis, la vallée revit »

Après plusieurs rebondissements, l’affaire a connu une issue heureuse pour les habitants de la vallée, lorsque le tribunal administratif a rejeté la demande du préfet des Alpes-Maritimes, qui souhaitait voir annuler les arrêtés pris par cinq communes de la Roya, interdisant la circulation des plus de 19 tonnes sur la RD 6 204, leur RN 134.

« Contre toute attente, le Département a même suivi la décision des maires et a également prononcé cette interdiction, sur tout le parcours de la route départementale, même en dehors des agglomérations, reprend Catherine Rainaudo. Depuis, la vallée revit. Mais l’affaire doit encore être jugée au tribunal sur le fond. On sait aussi que des camions continuent de passer malgré l’interdiction. On les entend la nuit, on en a même filmé. Mais quand la gendarmerie fait des contrôles, elle distribue des amendes et fait faire demi-tour aux poids lourds. Maintenant, la différence avec l’Aspe, c’est qu’il s’agit d’une route nationale. Ce sera peut-être plus difficile. »

L’attente

Les neuf maires aspois attendent maintenant le retour de la préfecture. « Il en va de la responsabilité du préfet de protéger les habitants aspois, estime Me Blanco. Neuf communes se sont prononcées, la volonté des populations qu’elles représentent doit être respectée. C’est devenu un sujet démocratique. » Si le texte est retoqué, Paule Bergès et ses homologues décideront de la marche à suivre. « Nous verrons s’il est opportun de choisir une autre stratégie ou de relancer. Mais des échéances électorales vont arriver vite et pèseront aussi dans la bataille. »

Qu’en est-il des contrôles ?

Le sous-préfet d’Oloron indique que les poids lourds qui transitent en vallée d’Aspe subissent des contrôles réguliers. « La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) effectue un contrôle tous les mois, qui porte sur le suivi des transporteurs routiers, des matières dangereuses, des conditions de travail et des sécurités des véhicules, rappelle-t-il. Une quinzaine de poids lourds est arrêtée à cette occasion. Peu d’infractions de vitesse sont constatées. »

Le 5 novembre dernier, une de ces opérations, dont les résultats avaient été communiqués, avait permis le contrôle de 27 poids lourds et un car de voyageurs, dont quatre contenant des matières dangereuses (MD). Neuf de ces véhicules étaient en infraction, mais pas ceux concernant les MD. Les services préfectoraux notaient que ces dernières concernaient 7 % du trafic routier, et qu’en 2017 les poids lourds transportant des MD dans le département étaient en infraction dans 13 % des cas. Les résultats de ces réflexions pouvaient entraîner la mise en place « d’une signalétique appropriée, de radars pédagogiques ou encore de feux alternatifs ». À notre connaissance, il n’en a, pour le moment, rien été.

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