Camion renversé : risque de pollution avéré sur le gave d’Aspe

Août 28, 2018 | Presse française, Routier

Camion renversé : risque de pollution avéré sur le gave d’Aspe

Les pompiers sont rapidement arrivés au secours du conducteur tombé 20 mètres plus bas dans le ravin : l’opération s’annonçait longue.

© G.B.

 

Par Gildas bOënnec, publié le , modifié .

Un camion transportant du chlorite de sodium a fait une chute dans un ravin, sur la RN 134. Le chauffeur est décédé. Et par mesure de précaution, plusieurs communes ont interdit toute activité nautique. Les pompiers sont toujours nombreux sur place ce mardi matin.

Un poids lourd roulant sur la RN 134 en direction d’Oloron a raté un virage alors qu’il se trouvait entre Urdos et Etsaut, ce lundi aux alentours de 13h50. Dans un des derniers lacets de la route longeant le fort du Portalet, le conducteur a quitté la chaussée, terminant sa course 20 mètres en contrebas, non loin du gave de Belonce, un affluent du gave d’Aspe.

La situation a très vite été prise au sérieux par les secours du Haut-Béarn. Il s’agissait, en premier lieu, de sauver le conducteur du camion. Encore en vie à l’arrivée du secours, il est finalement décédé des suites de ses blessures sans avoir pu être extrait de son véhicule.

Autre problème, et non des moindres : le camion-citerne qui a chuté près du gave transportait des matières dangereuses, plus précisément du chlorite de sodium.

Une cinquantaine de pompiers venus de tout le Béarn                              ont été mobilisés sur cet accident.
Une cinquantaine de pompiers venus de tout le Béarn ont été mobilisés sur cet accident.

Crédit photo : © G. boennec

L’opération devait durer toute la nuit

Une cinquantaine de pompiers sont rapidement arrivés sur les lieux de l’intervention, dont le Groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux (Grimp) et une équipe spécialisée dans les risques chimiques. Une équipe du Smur et une autre de la DIRA étaient également sur place. Dès 14h, la RN 134 a été coupée dans les deux sens de circulation pour faciliter l’intervention : elle s’annonçait complexe, au cœur d’un ravin escarpé. Face à une opération qui risquait de durer dans le temps, les pompiers ont décidé de déployer leur poste de commandement mobile non loin des lieux de l’accident.

« Nous tentons d’établir le contact avec le conducteur incarcéré », informait en milieu d’après-midi le lieutenant Montagne de la caserne d’Oloron. À l’heure où nous écrivions ces lignes, l’opération de secours pour sortir le conducteur du ravin n’était toujours pas terminée (NDRL : les pompiers ont confirmé ce mardi matin son décès). Si la priorité était le sauvetage de cette personne, il restait également à savoir comment sera remontée la cuve pleine de chlorite de sodium : « les opérations de dépotage et de relevage du poids lourd, rendues complexes par la configuration d’un terrain accidenté, seront mises en œuvre dès que possible », renseignait la préfecture, précisant également que « pour la réalisation de cette opération, une coupure d’électricité sur la commune d’Urdos sera[it] réalisée dans la soirée ou dans la nuit, en lien avec les autorités locales et Enedis ».

Des fuites « pas exclues »

Du chlorite de sodium s’est-il déversé au sein du gave de Belonce ? En fin d’après-midi, les services de la préfecture informaient sur Twitter que le risque de pollution était « avéré ». « Indépendamment du fonctionnement des soupapes de sécurité, il n’est pas exclu que des fuites aient pu avoir lieu », était-il précisé un peu plus tard dans un communiqué. « Un périmètre de sécurité au sein duquel ne sont autorisés que les déplacements des services opérationnels a été mis en place. » Par précaution, les communes de Gurmençon, Oloron et Etsaut ont immédiatement pris un arrêté afin de proscrire toute activité nautique sur le gave d’Aspe.

Le capitaine Lucie Alamargot, commandant de la compagnie d’Oloron, expliquait en début de soirée que « toutes les patrouilles » de son secteur étaient « mobilisées pour tenir et empêcher la circulation sur le secteur de l’accident et au niveau du rond-point de Gurmençon, afin de faciliter l’opération de secours des pompiers qui va durer toute la nuit ».

Les pêcheurs très inquiets

Présent sur les lieux de l’accident, le président de la Gaule Aspoise Jean-Claude Bourdelas se disait « plus qu’inquiet de ce qui se passe. J’ai le regard scotché sur le gave : j’espère que je ne verrai pas de truites mortes flotter à la surface… ». « En 40 ans, c’est le quinzième camion que je vois tomber dans le coin, et leur cargaison s’est déversée plus d’une fois dans le gave. On a déjà eu droit à du sulfure de carbone à Cette-Eygun, ou encore à des hydrocarbures à Sarrance. Une pollution était déjà survenue dans la zone actuellement accidentée, il y a environ dix ans : c’est de la lessive de soude qui avait pollué le cours d’eau près du fort du Portalet », se rappelle Jean-Claude Bourdelas, se souvenant avoir recensé pas moins de « 13 000 truites mortes ».

« Ces dernières années, on avait mis l’accent sur cette zone pour la repeupler en poissons, grâce à des alevinages. Si le cours d’eau est pollué à nouveau, ce sont des années de travail qui partent en fumée : le chlorite de sodium, ce n’est pas un enfant de chœur », soufflait le président de la Gaule Aspoise. « À chaque accident, on espère que ce sera le dernier, jusqu’à ce qu’un autre survienne. C’est l’économie fondée sur le tout-camion qui ruine chacun de nos efforts ! »

 

Dix ans après le dernier camion

Le dernier camion à avoir plongé dans le gave d’Aspe remonte à avril 2008. La descente du fort du Pourtalet n’a pas forcément connu de bouleversement majeur depuis.

Le 3 avril 2008, un camion-citerne chargé de 17 000 litres de sulfure de carbone basculait dans le gave à Cette-Eygun. D’importantes opérations de secours avaient permis d’éviter la pollution du cours d’eau en transférant le contenu de la citerne dans une cuve vide. C’était jusqu’à ce lundi le dernier camion à avoir basculé dans le gave d’Aspe en haute vallée. À l’époque, il s’agissait du 15e accident de poids lourd sur la RN 134 entre le Somport et Oloron, depuis l’ouverture du tunnel en 2003.

Mais cet accident avait suscité la colère des élus et des pêcheurs, car il avait été précédé, en 2007, de deux autres chutes bien plus conséquentes. Le 5 juin 2007, un camion-citerne espagnol se couchait sur le flanc à la sortie d’un virage situé au droit du fort du Portalet. Il terminait sa course en équilibre au-dessus du ravin, mais déversait son chargement de lessive de potassium en direction du gave d’Aspe. Une pollution qui a entraîné la mort de milliers de truites. Neuf jours plus tard, le 14 juin, un autre poids lourd espagnol s’écrasait, lui, carrément au fond du ravin avec son chargement de 21 tonnes de farine de tournesol.

Depuis, quelques camions couchés ou en portefeuille au viaduc d’Escot, à Sarrance ou à Urdos (en février dernier) ont aggravé le bilan des accidents. Sur quelque 3 500 véhicules qui fréquentent chaque jour la RN 134 en vallée d’Aspe, près d’un quart sont des camions. Il en est passé 723 lors d’un comptage réalisé en mars dernier au Somport.

Le chlorite de sodium, qu’est-ce que c’est ?

Le 3 avril 2008, un camion transportant 17 000 litres de sulfure de carbone basculait dans le gave à Cette-Eygun.
Le 3 avril 2008, un camion transportant 17 000 litres de sulfure de carbone basculait dans le gave à Cette-Eygun.

Crédit photo : © N. Sabathier

Le chlorite de sodium est principalement utilisé pour produire du dioxyde de chlore, un oxydant trop instable pour être stocké ou transporté. Ce dérivé est utilisé dans le blanchiment des pâtes à papier et textiles, ainsi que pour désinfecter l’eau. Les vétérinaires utilisent parfois le chlorite de sodium comme germicide. La substance peut être irritante pour la peau ou les muqueuses oculaires en cas d’application ou de projection.

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