L’arrivée de l’A 65, il y a neuf ans, a motivé les regroupements de communes à créer d’immenses zones d’activité. Une vitrine économique du territoire encore embuée
Dès l’arrivée de l’A 65, reliant Bordeaux à Pau, les zones d’aménagement concerté et autres parcs d’activité ont poussé à vitesse grand V dans le nord du Béarn. Les intercommunalités de ce territoire ont souhaité prendre le train du développement économique en marche. Mais ce dernier semble mettre plus de temps que prévu à passer. L’ambition est noble et surtout répandue dans tout le pays. Ces zones doivent être des portes d’entrée du sud de l’Aquitaine pour les entreprises et une vitrine de l’ensemble du territoire.
La zone d’activité de Garlin, à 30 kilomètres de Pau, n’était encore qu’une idée jusqu’à l’étude de faisabilité de 2008 motivée par le syndicat mixte Garlin-Pyrénées à l’origine du projet (une association de cinq communautés de communes : Arzacq, Garlin, Lembeye, Tursan et Adour).
Un champ photovoltaïque
En juillet 2015, les premiers tractopelles sont arrivés pour remuer la terre, un terrain agricole de 25,2 hectares, soit 1,8 % de la surface rurale du canton de Garlin. Un an plus tard, le parc d’activité est fin prêt. 100 000 m² sont aménagés. Les lampadaires s’allument tous les soirs, les passages piétons sont tracés, et les bords de route sont parfaitement fleuris.
Dans cet eldorado des entreprises fantômes, même l’odeur de lavande semble artificielle. Dix hectares de goudron, de trottoirs, de bassin d’eau et de terrains encore vierges. Un agriculteur du coin entretient les zones non bâties chaque année. Un effort maintenu par la Communauté de communes des Luys en Béarn, parce que la zone doit encore charmer les entrepreneurs.
« Force est de constater que l’on rencontre des difficultés pour faire venir des entreprises »
Le cadre est idéal, entre la départementale 834 et l’échangeur de l’A 65, mais l’activité ne s’emballe pas. Charles Pelanne préside le syndicat mixte Garlin-Pyrénées et déplore un décollage tardif. « Force est de constater que l’on rencontre des difficultés pour faire venir des entreprises. La zone de Serres-Castet a énormément de demandes, mais celle de Garlin est plus reculée. »
Pour obtenir un retour sur investissement, 7 hectares de la zone non aménagée accueilleront bientôt un champ de panneaux photovoltaïques. Une solution de repli, alors que deux artisans locaux devraient s’implanter d’ici plusieurs mois, cette fois-ci dans la zone aménagée. Ils loueront 10 000 m² sur les 100 000 existants. « Il faut revoir le cœur de notre recherche. Et ouvrir notre spectre d’entreprises », explique l’élu.
Thèze s’en sort mieux
À dix kilomètres de Garlin, sur la route de Pau, parallèle à l’A 65, une autre zone d’activité s’est érigée en quelques années à Thèze. En 2017, la pépinière d’entreprises Espelida a été inaugurée en son sein et depuis, les entreprises se succèdent. Au milieu des parterres tondus sectionnés par des artères en goudron, un complexe de 800 m2 comprenant bureaux, ateliers, salle de réunion.
Son coût : 1,650 million d’euros, financé par le Conseil régional, le Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques et la Communauté de communes des Luys en Béarn. L’ambition porte ses fruits. Les loyers, très abordables, permettent aux entreprises de se succéder et les locaux sont aujourd’hui occupés à 100 %.
Gyromax, spécialisée dans la mobilité électronique (trottinettes, scooters), s’y est développée et représente à elle seule l’intérêt de cette couveuse d’entreprises. Une occupation de 800 m² sur 10 hectares de vide, même si courant 2020, Gyromax s’installera sur un nouveau bâtiment, un atelier relais qui permettra à l’entreprise de grandir encore plus rapidement. Alors pourquoi ce succès mitigé ?
La notion de distance
Antoine Hielle est le directeur du pôle développement économique et affaires juridiques de la Communautés de communes des Luys en Béarn. Il est en charge de la gestion des zones d’activité du territoire, depuis la fusion des communautés de communes de Thèze (à l’origine de la ZAC de Miossens-Thèze), de Garlin et du Luys de Béarn
« Quand un porteur de projet est reçu chez nous à Serres-Castet, nous lui proposons toutes nos zones d’activité. Nous pensions, par exemple, que les zones de Garlin et de Thèze conviendraient aux entreprises logistiques, mais ces dernières cherchent à être proches de l’agglomération, du cœur urbain pour effectuer des livraisons. »
S’ajoute à cet inconvénient, l’A 65 et la fréquentation décevante qu’on lui connaît. C’est une petite déception pour les acteurs politiques et économiques du département qui comptaient sur le réseau autoroutier pour développer le territoire. « Quand nous faisons la promotion de nos zones d’activité, nous évoquons l’autoroute comme un axe qui peut faciliter des choses. Mais son prix n’encourage pas le développement économique sur nos zones et le trafic de l’A 65 n’est pas celui qu’on espérait. »
L’arrivée de l’A 65 et des zones d’activité de Garlin et de Miossens-Thèze permettaient à ces territoires trop longtemps oubliés de pouvoir s’exprimer. Quelques années plus tard, ces grands ensembles érigés au milieu des champs de maïs soulèvent plus d’interrogations qu’ils n’apportent de réponse.
En chiffres
ZAC de Garlin
Surface : 25 hectares (10 aménagés).
Coût de l’aménagement et des acquisitions du terrain : 6 500 000 euros.
Entreprises installées : 0.
À venir : 7 ha de parc photovoltaïque en 2021 et deux projets d’installation de deux artisans locaux répartis sur 1 ha.
ZAC mIOSSENS-thèze
Surface : 10 hectares aménagés.
Coût de l’aménagement et des acquisitions du terrain : 3 500 000 euros.
Entreprises installées : une pépinière de 6 entreprises répartie sur 0,8 ha.
À venir : atelier relais de Gyromax, travaux début septembre et 3 ha bientôt vendus à une entreprise paysagiste locale.
Des infrastructures dans un paradis isolé
Au sein de la pépinière d’entreprises Espelida, tout est réuni pour pouvoir joindre le pratique et l’agréable au travail. Internet fonctionne à plein régime, les bureaux et les ateliers sont neufs et esthétiques. Daniel Beckier est installé depuis trois ans dans la zone. Il a dialogué dès 2007 avec les acteurs intercommunautaires et Eurolacq Entreprises qui gère un semble de zones d’activités.
« Tout a été mis en œuvre pour qu’on se sente bien ici. J’ai tout ce dont j’ai besoin. Les loyers sont bas, un peu plus de 500 euros hors taxe », explique le chef d’entreprise. Un son de cloche retrouvé également chez d’anciens locataires. Vong est le gérant de Réflexion créative, une agence de communication à portée internationale développée en premier lieu, à Grenade-sur-l’Adour dans les Landes. Vong et son associée Anne ont été les premiers à s’installer à Thèze. « Les bureaux sont neufs et pas chers. Quand je suis arrivé, je n’avais qu’une envie : commencer le travail. Je ne retire que du positif d’Espelida, des rencontres, du confort. »
Mais depuis un an, les deux gestionnaires ont déplacé leur activité à Pau pour diverses raisons. « Dès que je me suis installé à Pau, ma boîte mail s’est remplie. C’est une question de mentalité : les clients palois ne comprenaient pas que je sois à Thèze. Alors que quand je travaille avec des clients de Dubai ou du Moyen-Orient, ils se fichent. »
Un isolement pour certains types d’activités qui justifie peut être la lenteur de l’implantation d’autres entreprises au sein de cet immense terrain, vague mais aménagé. Mais pour pallier ce long délai, la communauté de communes des Luys en Béarn (CCLB) a mis en place en 2017 un règlement des aides à l’immobilier d’entreprise. La CCLB a une enveloppe annuelle dont peuvent bénéficier tous les porteurs de projets bientôt installés. Une aide non négligeable qui permettra d’accélérer un dynamisme économique latent.