Ferroviaire : Alain Rousset et son homologue d’Aragon ont signé une déclaration commune pour la poursuite des travaux jusqu’à Canfranc, estimés à 400 M€.
Une chose est sûre : un train qui s’arrêterait en rase vallée ne servirait à rien. Alors que la première tranche des travaux entre Oloron et Bedous arrive à son terme, le président de la grande Aquitaine et le président du gouvernement d’Aragon, Javier Lamban Montanes, ont signé mercredi à Canfranc (Espagne) une déclaration commune. Leur objectif : réunir les fonds pour achever la liaison ferroviaire entre Bedous et Canfranc.
« La réouverture de cette ligne est un symbole, un acte fort », a souligné Alain Rousset. « Nous avons, avec l’Aragon, la volonté de poursuivre ces travaux. Et nous irons rapidement à Bruxelles pour rencontrer les autorités. Il faut que l’Europe intervienne car c’est un axe international. »
Le défi est colossal pour les deux régions. Elles vont devoir réunir entre 350 et 400 millions d’euros pour achever le tracé en reliant les 35 kilomètres qui séparent Bedous de Canfranc. L’Europe s’est toujours refusé à financer, arguant du non-engagement des États espagnols et français. Alain Rousset évoque aujourd’hui l’idée d’une participation de la France via le grand emprunt, rebaptisé Programme d’investissements d’avenir. Pour cela, il va falloir convaincre Louis Schweitzer, ex-patron de Renault et actuel commissaire général à l’investissement.
Chercher l’appui de Bruxelles
Mais le duo aquitano-aragonais envisage toutes les options. « Nous lançons un appel à manifestation d’intérêt, présente Alain Rousset. Cela va permettre de rassembler, au-delà de la SNCF, ceux qui veulent nous accompagner dans ce projet. Le deuxième tronçon [entre Bedous et Canfranc NDLR] est difficile. Il faudra d’autres ressources que celle du gouvernement d’Aragon et de la région Aquitaine. S’il y a des ressources privées, nous ne serons pas contre ». Quant à savoir quelle forme prendra ce financement, il est encore trop tôt pour le dire. « Il va falloir inventer quelque chose avec l’appui de Bruxelles », plaide le président de la Région.
Côté Aragon, cette liaison est surtout plébiscitée dans l’optique d’un développement du transport de marchandises. « Notre région recherche une bonne liaison avec les ports commerciaux de Barcelone, Bilbao et Valence, assure le président du gouvernement Javier Lamban Montanes. L’avenir économique de l’Aragon est fondé sur la logistique. Dans cette approche, la ligne de Canfranc joue un rôle fondamental, et nous allons demander au gouvernement de Madrid d’agir dans ce sens. »
Une voie à l’effet vertueux
L’un des arguments que font valoir les militants anti -voie ferrée porte justement sur le transport de fret. D’après eux, les chargements seraient limités en tonnage, étant donné la déclivité du terrain. Les ingénieurs qui pilotent les travaux assurent que le problème peut-être résolu en augmentant le nombre de wagons.
Reste que pour les deux entités régionales, Aquitaine et Aragon, la liaison ferroviaire va agir comme un aimant, notamment en dynamisant l’activité touristique. Mais Alain Rousset va plus loin, et considère que ce projet inversera « la courbe démographique, notamment de la vallée d’Aspe ». Le président de la Région s’est adressé aux journalistes et médias, regrettant que la question du coût revienne sans cesse, ce qui occulterait les bénéfices en termes d’emplois. Il rôde probablement son discours aux futurs financeurs, publics ou privés, qui ne manqueront pas de lui demander : « Mais combien cela va nous coûter ? »
Oloron/Bedous livrée courant juin
La pose de la voie ferrée entre Oloron et Bedous touche à sa fin. Il ne manque plus que quatre kilomètres afin d’atteindre le village de la vallée d’Aspe, ce qui est prévu en mars.
L’ouverture commerciale de la ligne devrait intervenir en juin, pour des usagers qui pourront faire des arrêts à Bidos, Lurbe Saint-Christau et Sarrance, avant d’arriver à Bedous. Chaque jour, entre 8 et 10 allers-retours seront effectués sur cette voie de 25 km de voies, balisée par 17 passages à niveaux.
Alain Rousset « furieux » contre la SNCF
Lors de la conférence de presse qui a suivi la signature de la déclaration, Alain Rousset a réagi aux manques récurrents de conducteurs de trains, la liaison entre Pau et Oloron étant fréquemment assurée par bus.
« Il y a deux problèmes, l’un technique, l’autre lié à l’organisation de la SNCF. Le train en question a un souci de relation avec le rail pour envoyer les signaux de son passage. Les services travaillent pour arranger cela. Sur le deuxième problème : la SNCF n’a pas prévu, ou trop tard, les embauches de conducteurs. Cela nous désorganise beaucoup. Mais je ne juge pas aujourd’hui sur un investissement d’un siècle. Car c’est de cela dont il s’agit. Je suis furieux contre la SNCF mais cela ne remet pas en cause la relation entre l’Aquitaine et l’Espagne ».
Sud-Ouest, jeudi 25 février 2016