Le trafic quotidien au niveau du tunnel n’excédait pas, fin 2015, les 1 200 véhicules. Ses défenseurs en promettaient 3 000 lors de sa mise en service.
Treize ans après l’ouverture, le tunnel, même gratuit, reste sous-utilisé. Hors camions, le trafic progresse peu à cause d’un accès délicat en France.
Le compte n’y est pas. Et même d’assez loin ! Pas moins de 13 ans après son inauguration, et en dépit de sa gratuité, le tunnel routier du Somport reste, à ce jour, loin des volumes de trafic prévus.
Difficiles à se procurer, les chiffres de fréquentation que nous avons obtenus sont en effet sans appel. Au-delà d’une progression annuelle, certes régulière mais modeste, et du retour des camions (espagnols notamment) ces derniers mois, on observe en effet que le trafic quotidien n’excédait guère, fin 2015, les 1200 véhicules. Un chiffre qui englobe plus de 25 % de poids lourds.
Un laboratoire secret dans les entrailles du tunnel
Peu de gens savent ce qui se cache dans les entrailles du tunnel du Somport. Depuis plus de 30 ans, c’est pourtant un laboratoire de réputation mondiale, dédié à la physique fondamentale, qui se niche à 5 500 mètres de la sortie française, à hauteur de la borne 12. Classé parmi les trois premiers labos de sa spécialité, il est rattaché à l’université de Saragosse et géré par un consortium comprenant notamment la région Aragon ainsi que le ministère de l’économie et de la compétitivité.
Intégré à un réseau mondial d’une douzaine de laboratoires, le LSC (laboratoire souterrain de Canfranc) compte des chercheurs venant régulièrement d’une quinzaine de pays. Mais une équipe permanente d’administratifs et de scientifiques y est installée. Elle mène notamment des recherches utiles aux domaines de la communication, de l’électronique, de la médecine ou encore des énergies renouvelables. Il y a aussi un petit laboratoire de physique nucléaire.
L’installation se visite. Renseignements et inscriptions à l’OT de la vallée d’Aspe. Tél. : 05 59 34 57 57 (courriel : info@tourisme-aspe.com). Tarif : 10€ (8€ pour les moins de 14 ans). Se munir de papiers d’identité.
Lors de sa mise en service, le 18 janvier 2003, cette installation qui faisait déjà beaucoup parler d’elle, et pas seulement à cause de son coût, semblait pourtant promise à un bel avenir. Ses défenseurs s’enflammaient, n’hésitant pas à promettre 3000 véhicules/jour ! Une décennie plus tard, en 2013, on en était à… la moitié.
« Le boulot n’a pas été terminé »
Le trafic est, sur certaines années, resté soutenu grâce notamment à des autorisations plus souples, en matière par exemple de transports de matières dangereuses. La remarque vaut pour les exercices 2007 (+4,5 %) et 2008 (+6 %). Mais tout cela reste insuffisant, d’autant que les avatars se sont multipliés : fermetures, accidents de camions à répétition, épisodes climatiques… 2014 est, à cet égard, à marquer d’une pierre noire avec quasiment l’équivalent de 3 mois d’exploitation mis entre parenthèses pour diverses raisons.
Mais, ici, chacun sait très bien que le fond du problème se situe, en fait, avant le tunnel. La qualité de l’accès routier au Somport souffre, chaque mois un peu plus, de la comparaison avec son homologue espagnol.
« On ne peut pas dire que de l’argent a été jeté par les fenêtres, mais il est clair que le boulot n’a pas été terminé ! », fulmine toujours cet observateur avisé du dossier qu’est Pierre Saubot, au nom du collectif BAP (Béarn Adour Pyrénées).
À nouveau plus de camions dans le tunnel ?
À ses yeux, il serait même intellectuellement malhonnête de ne retenir que le non-respect des prévisions de trafic. « On a fait tout ce qu’il fallait pour qu’il en soit ainsi en se tirant une balle dans le pied ! », insiste-t-il. Et de rappeler que « la descente vers Oloron ne répond toujours pas aux standards internationaux tandis que, côté espagnol, les conditions d’accès au tunnel seront bientôt impeccables ».
Pour autant, et en dépit de tendances lourdes indiquant que plus de 70 % des flux routiers continuent à passer par les deux extrémités des Pyrénées, quelques signaux d’encouragement semblent clignoter. Selon les statistiques les plus récentes que nous avons obtenues, plus de 320 poids lourds ont, quotidiennement, emprunté le tunnel au cours du mois dernier.
Ce chiffre, non confirmé par l’exploitant, signifierait une hausse de 25 %, depuis 2008, pour les seuls camions. Une statistique qu’il convient de mettre, au moins en partie, sur le compte des frémissements de l’activité économique constatés en Espagne.
Sources : Tunnel du Somport, DIR (direction interdépartementale des routes) Atlantique, BAP (Béarn Adour Pyrénées).
« Le plus gros point noir, c’est la RN 134 »
TROIS QUESTIONS A… Aline Mesplès, présidente nationale du syndicat européen de transporteurs, Otre.
En tant que présidente d’un syndicat d’utilisateurs, quel est votre constat sur la défection dont souffre le Somport ?
Il faut tout d’abord savoir que cette route est beaucoup plus empruntée par les véhicules étrangers que français. L’axe n’est pas pratique, et accidentogène côté français. Sans parler du fait qu’il s’agit d’une route de montagne, et donc la météo joue un rôle. Quand un poids lourd veut se rendre au Pays basque espagnol, mieux vaut emprunter l’A64 et l’A63 car, via le Somport, la moyenne horaire reste trop basse à cause des difficultés du terrain. Pour les professionnels de la route, ce tunnel, même gratuit, ne présente pas d’intérêt !
Pourquoi la fréquentation ne décolle-t-elle pas depuis toutes ces années ?
À ce point-là, ça devient difficile à expliquer ! En plus de ce que nous venons de dire, il y a sûrement la conjoncture économique. On sait que, côté espagnol, le trafic des poids lourds a baissé même si ce pays reste encore très actif.
Qu’est-ce qui pourrait venir changer la donne ?
Le gros point noir c’est, je l’ai dit, cette RN 134. Dès Oloron, l’accès est compliqué. Je pense qu’un raccordement du Haut-Béarn à une autoroute commencerait à modifier les données du problème.