Malgré une fréquentation moins importante que prévu initialement, A’liénor, qui gère l’A65, n’est plus dans le rouge et a réussi à trouver un équilibre comptable.
Peu à peu, les automobilistes en trouvent l’accès. L’A65 reste une autoroute secondaire au regard des grands axes de la région comme les A63 et A62. Mais, malgré un prix toujours très élevé (22,60 € pour 150 km avec un véhicule léger), l’augmentation du trafic se confirme d’année en année.
Olivier de Guinaumont, PdG d’A’liénor, fait preuve d’un optimisme de bon teint : « La hausse lente et régulière se poursuit. En 2016, l’augmentation a été de 4,9 % tous véhicules compris. Elle est de + 4,5 % pour les VL et de 8,8 % pour les poids lourds ». Et ce malgré la levée d’interdiction des poids lourds sur les départementales landaises entre novembre 2015 et le printemps 2016.
EN HAUSSE CONSTANTE
En nombre d’utilisateurs, A’liénor comptabilise 11 600 véhicules et 1 600 poids lourds par jour. Si l’on fait le calcul du trafic moyen annualisé sur les 150 km de l’A65, ce sont l’équivalent de 6 300 VL et 750PL par jour.
Depuis fin 2010 et l’ouverture de l’autoroute, la fréquentation a toujours été sous les prévisions initiales mais en hausse constante. En 2011, on était à environ 10 000 véhicules par jour, comme en 2012. L’augmentation a commencé en 2013 pour se confirmer en 2014 (11 775 véhicules/jour). En 2015, A’liénor comptabilisait 12 700 véhicules/jour et donc 13 200 en 2016.
LES FINANCES VONT MIEUX
Pour rappel, l’A65 a coûté plus d’1,2 milliard et l’ouverture très timide a causé 125 millions de pertes cumulées. Il a fallu attendre 2014 pour arrêter de puiser dans la trésorerie pour éponger les charges. « En 2015, nous avons eu un résultat net comptable d’1,3 million tout en remboursant 20 millions aux banques » rappelle Olivier de Guinaumont. Dans le même temps, A’liénor a pu renégocier sa dette à un taux nettement plus en phase avec les taux actuels que ceux pratiqués avant 2010 (le premier taux était de 5,5 %). Sur l’année 2015, cette renégociation a permis d’économiser 25 millions.
« Je constate que, malgré un démarrage impacté par la crise, l’A65 fait son chemin à raison d’une croissance d’environ 5 % chaque année. Ce développement correspond aussi à la dynamique locale » souligne le PdG d’A’liénor.
Et pour 2016, Olivier de Guinaumont évalue le résultat net comptable à environ 8 millions. « On devrait cette année rembourser 25 millions de dettes ». « Il reste du chemin pour éteindre les pertes, mais je suis plutôt satisfait. Dans un contexte difficile de crise et de politique tarifaire mal comprise, on réussit à faire vivre l’outil » conclut le PdG d’A’liénor.
UNE AUTOROUTE INUTILE ?
De son côté, l’association écologique Sepanso continue à penser le plus grand mal de cette infrastructure « surdimensionnée en rapport aux besoins », et attend avec impatience le rapport Loti. De la loi d’orientation des transports intérieurs (loti) de 1982 qui oblige le maître d’ouvrage à faire un bilan cinq ans après la mise en service de l’infrastructure.
« Ce rapport a été remis en juin 2016 » rappelle la secrétaire de la Sepanso, Sylvie Merle-Vignau. « Il est soumis au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) qui doit confronter les réalités concrètes aux prévisions initiales qui ont justifié le choix de l’infrastructure. Or, curieusement, cet avis de la CGEDD tarde à venir comme si le ministère s’était assis dessus » s’interroge la militante.
Pour l’association, il est clair qu’un aménagement de l’existant aurait largement suffi. « On nous a imposé cette autoroute. On n’a aucune raison d’être plus satisfait aujourd’hui qu’il y a six ans » conclut-elle.
LE SÉNAT SE PENCHE SUR LA COMPENSATION ÉCOLOGIQUE
Le Sénat a rendu jeudi un rapport sur la compensation écologique des gros ouvrages.
Rappel. Première autoroute post-Grenelle de l’environnement, A’liénor doit compenser la terre prise pour construire l’A65. Au total 1 372 hectares de terres destinés à la compensation écologique. La loi relative à la protection de la nature date de 1976 mais n’avait guère été appliquée jusqu’à fin des années 2000. La commission d’enquête sénatoriale s’est appuyée sur trois grands projets, A65, l’aéroport de Notre Dame des Landes et la LGV Sud-Ouest pour étudier la façon dont sont menées ces compensations. Des centaines de pages du rapport, la commission a extrait 35 propositions. Car pour un fabricant d’autoroutes, faire dans la protection de l’environnement n’est pas une compétence évidente. Comme a pu le signifier Olivier de Guinaumont lors de son audition par la commission sénatoriale.
« ON A ESSUYÉ LES PLÂTRES »
« L’obligation nous est tombée dessus sans concertation alors que ces territoires protégés n’ont du sens que s’ils s’intègrent à un projet global. On a essuyé les plâtres et on s’est demandé quelles actions mener. Il faut penser tout ça de manière plus large et déterminer les programmes de compensation sous la maîtrise d’ouvrage de l’État » estime-t-il.
Il y a eu aussi les discussions plus ou moins faciles avec les associations de défense de la nature.
Aujourd’hui, tous les hectares promis ont été mis sous protection. A’liénor a délégué l’ouvrage à la branche biodiversité de la Caisse des dépôts et consignations. Cette dernière va gérer les espaces concernés pendant les 60 ans de la concession.
Parmi les actions, on voit des bandes herbeuses agrandies le long des cours d’eau pour les amphibiens, la plantation de haies de bocage pour les chauves-souris et les passereaux, d’arbres isolés pour l’élanion blanc (un petit rapace) ou la transformation de champs de maïs en prairies et la protection de zones humides. Des mesures qui peuvent modifier le paysage comme à Viven mais qui ne répareront pas la saignée de béton à travers le paysage.
Une autoroute privée avec 900 millions d’emprunts
L’autoroute A65 relie Pau à Langon et ouvre l’accès à la zone située autour de Mont-de-Marsan, depuis le 16 décembre 2010. L’autoroute de Gascogne a nécessité la construction de 160 ouvrages d’art, dont 15 viaducs. Elle a coûté 1,2 milliard d’euros.
A’liénor, la société constituée pour le projet, est détenue par les deux groupes fondateurs, Eiffage (65 %) et Sanef (35 %). A’liénor a été pressenti concessionnaire de l’A65 le 2 juin 2006, puis désigné concessionnaire par décret paru au Journal officiel le 19 décembre 2006. L’A65 a été intégralement financée par A’liénor sans recours à des fonds publics (hors apport en nature de la déviation d’Aire sur l’Adour) mais grâce aux fonds propres des actionnaires et par une dette bancaire à hauteur de 900 millions €. Les travaux ont duré deux ans et demi (2008-2010). Le surcoût dû à la compensation écologique a été pris en charge par l’État à hauteur de 50 %. Bénéficiant d’une concession de 60 ans, les promoteurs de l’A65 devraient commencer à toucher des dividendes d’ici une petite quarantaine d’années.