Le secteur du digital est en forte croissance, mais peine à recruter. Faute d’avoir suffisamment de jeunes formés. À Bordeaux, le problème est accru, car la ville est aussi victime de son attractivité. Mais comment y remédier ?.

Recruter les bons profils et garder ses talents. C’est « la » problématique de toutes les entreprises du digital aujourd’hui en France. À Bordeaux, le sujet est devenu si sensible que le Medef Gironde a ouvert son Université des entrepreneurs, mardi, par un atelier sur cet enjeu majeur. Car « nos difficultés de recrutement n’impactent pas que nos sociétés, elles fragilisent aussi les clients, qui doivent mettre en œuvre leur transformation digitale », souligne Agnès Passault, présidente de Digital Aquitaine, le pôle régional dédié à la filière numérique.

80 000 emplois à pourvoir

Selon une étude de France stratégie, le nombre de postes vacants dans le numérique va s’élever à 80 000 en France d’ici 2020. Le problème est structurel. Notre pays ne forme pas assez de jeunes dans le secteur chaque année, notamment des Bac +3 à Bac +5, pour répondre aux besoins croissants des entreprises. Et, facteur aggravant, les jeunes talents, qui se savent « désirés », sont peu fidèles et ne restent guère plus de trois ans chez un employeur, ce qui crée un important turnover dans le numérique (20 %). Tout ceci freine le développement des entreprises.

« Dans ma société, Aquitem (120 salariés, NDLR), nous avons dû cesser certaines activités comme la création de sites Web, faute de profils adéquats, explique Agnès Passault. Et lorsque certains profils nous quittent, nous pouvons perdre jusqu’à six mois de travail, le temps de retrouver une personne aussi compétente ou de la former », déplore-t-elle.

Les revers de l’attractivité

À Bordeaux, où le numérique pèse pour plus de 25 000 emplois dans la métropole, le problème est accru par l’attractivité de la ville. Ces dernières années, de grands noms du secteur, Ubisoft (numéro 1 français du jeu vidéo), le site de paris en ligne Betclic, ou encore la plateforme musicale Deezer ont implanté des bureaux sur les bords de Garonne pour attirer plus facilement de nouveaux talents, en mettant en avant la qualité de vie locale. Car Paris ne fait plus forcément rêver les jeunes générations et la concurrence des autres entreprises digitales y est féroce.

Mais à Bordeaux, la conséquence est que « nombre de start-up et de PME se font “piquer” leurs meilleurs éléments par ces nouvelles sociétés qui arrivent sur le territoire », s’inquiète Cyril Texier, président de French Tech Bordeaux. Or, « depuis trois ans, nous sommes déjà contraints d’aller chasser des gens qui sont en poste », reconnaît Stéphane Giraud, fondateur du cabinet bordelais de ressources humaines Axilia, spécialisé dans le numérique.

Quelles solutions ?

Et « nos clients ont intérêt à se positionner de suite avec une belle offre dès qu’un candidat est trouvé », renchérit-il. À cela s’ajoutent d’autres problèmes, liés encore une fois à l’attractivité de la ville, « la difficulté à se loger, à circuler… Nous risquons de nous planter », alerte Cyril Texier, qui attend des réponses des pouvoirs publics sur ces questions. Car chaque année, Bordeaux Métropole accroît sa population de 12 000 nouveaux habitants.

Il n’empêche, malgré ce contexte délicat, les start-up et PME du numérique ont quelques leviers pour tirer leur épingle du jeu et rivaliser avec ces grands groupes : mettre en avant leur marque employeur, le souci du dirigeant du bien-être des salariés, du bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle, l’autonomie accordée au personnel, l’intérêt pour des causes sociales, environnementales… C’est ce qui ressort de l’étude auprès de jeunes de 18 à 22 ans sur l’attractivité et la fidélisation des salariés de la filière numérique dans la région, menée par l’Institut de recherche en gestion des organisations pour le Syrpin (Syndicat professionnel de l’informatique et du numérique…).

« Les trois critères les plus importants pour garder un salarié sont, dans l’ordre, la personnalité du dirigeant, puis l’ambiance au travail et les relations avec les collègues », détaille Thierry Rouby, chargé de mission du Syrpin en Nouvelle-Aquitaine.

Par ailleurs, « pour inciter nos talents à rester, nous avons lancé, en septembre, un parcours avec l’Université de Bordeaux qui permet à des Bac +3 de décrocher un Master d’informatique en quatre ou cinq ans, tout en travaillant », indique Agnès Passault. De bonnes idées, mais en vérité, il faudra un plan d’envergure national et dans les écoles pour faire face à l’ampleur du défi.