À travers une dizaine d’exemples locaux, de projets économiques ou d’aménagement du territoire, on peut mesurer l’implication financière de Bruxelles pour le Béarn.
Si loin si proche. L’Union européenne peut souvent paraître comme une institution éloignée des réalités des territoires. Et pourtant, quand on regarde ici dans les Pyrénées-Atlantiques et en Béarn, on peut se rendre compte que Bruxelles intervient régulièrement pour venir soutenir l’activité locale, via ses politiques régionales, le soutien à l’agriculture ou encore l’encouragement aux projets transfrontaliers. A quelques jours du scrutin qui désignera des nouveaux eurodéputés, tour d’horizon de quelques exemples symboliques.
La Bedous-Canfranc, « emblématique »
Si la France n’a pas dans ses priorités la réhabilitation de la portion de ligne ferroviaire entre Bedous et Canfranc, comme nous l’a bien fait comprendre le 26 avril la ministre des Transports Elisabeth Borne, l’Europe, elle, est convaincue de l’intérêt du projet. Pour preuve, elle finance pour moitié les prospections pour le prolongement dont le coût total s’élève à 14,7 millions d’euros. Une victoire acquise par la Région en décembre 2017.
« Bruxelles considère cette rénovation comme emblématique, car l’UE veut montrer qu’elle ne s’intéresse pas seulement aux grands axes comme Lyon-Turin » nous expliquait en octobre le bureau de la Nouvelle-Aquitaine dans la capitale belge. Dans les mois à venir, il s’agira de batailler pour que l’Europe, dans le cadre de l’appel à projets 2021–2027, aide aussi pour les travaux dont le montant est estimé entre 350 et 400 millions d’euros. Et là encore, localement, on espère un soutien qui pourrait friser les 50 %.
Le soutien à l’innovation avec le BHNS palois
Toujours sur ce thème des transports, on peut également noter que le futur bus de Pau, le BHNS « Fébus », va recevoir des aides de l’Europe : 4,376 millions au titre des programmes européens (Jive 2 et 3 Emotion) et 1,6 million au titre des fonds Feder. En faisant le choix de l’hydrogène pour la motorisation, la capitale béarnaise a vu notamment l’opportunité de se poser comme modèle européen.
En effet, le Syndicat mixte des transports, mais aussi le constructure belge Van Hool, étaient déjà en 2017 des partenaires du consortium 3Emotion soutenu par l’Union européenne (via la structure Fuel Cells ans Hydrogen Joint Undertaking (FCH-JU)), qui vise à accroître le déploiement commercial des bus électriques à piles à combustibles, c’est-à-dire des bus à hydrogène.
Les estives à nouveau aidées
L’Europe garde aussi un œil attentif sur les estives béarnaises, à travers des aides pour l’héliportage, le muletage et la rénovation des cabanes. L’UE avait pourtant stoppé ses aides fin 2014. Mais elle est revenue dans le tour de table en 2017, après notamment la venue de bergers à Bruxelles pour expliquer leur situation. Rien que les héliportages et le muletage coûtent 100 000 euros par an. Désormais, ces opérations sont soutenues à 80 %, dont 53 % par l’Europe. Un montage qui n’est cependant valable que jusqu’en 2020 pour l’instant.
Au secours de la biodiversité avec le lâcher des bouquetins
Pour rester dans les hauteurs du Béarn, on peut aussi parler de la récente réintroduction de bouquetins en vallées d’Aspe et Ossau. Un premier lâcher a eu lieu le 11 avril. L’objectif étant d’en relâcher 75 sur 3 ans. Ce projet d’un coût total de 346 600 euros est soutenu par l’Union européenne à hauteur de 142 800 euros.
Transfrontalier : le projet Alert des pompiers
Comme département frontalier, les Pyrénées-Atlantiques ont pu bénéficier de belles enveloppes pour des projets communs avec nos voisins espagnols. Pour spécifiquement le Béarn, on peut relever celui des pompiers du Sdis 64, qui vont recevoir 2,2 millions d’euros pour leur projet Alert qui consiste à fédérer et coordonner les secouristes frontaliers du 64, des provinces basques espagnoles de Guipuscoa, Navarre et de l’Aragon.
Pour dire adieu au danger du défilé du Portalet
Avec les Aragonais encore, c’est le projet transfrontalier Arles-Aragon/Camino Francés qui se développe aujourd’hui. Son coût pour la période 2017–2020 : 3,186 millions aidés à 65 % par l’Europe via le programme Interreg-Poctefa. L’idée ici est de faciliter le cheminement des pèlerins des Chemins de Saint-Jacques qui empruntent la Voie d’Arles. Or, pour eux, la vallée d’Aspe, en particulier le défilé du Portalet, correspond à un réel point de blocage. D’où notamment le projet de passerelle entre la Mâture et le fort dont les travaux doivent démarrer l’an prochain.
La filière bois des Pyrénées
L’UE a alloué 650 000 € pour le projet Coopwood, autour de la filière bois, sur lequel intervient la Chambre de métiers et de l’artisanat du 64 et la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment des Pyrénées-Atlantiques.
Cela vise à promouvoir la coopération transfrontalière entre les acteurs de la formation professionnelle dans le domaine du bois et ses entreprises, permettant une amélioration substantielle des contenus, des méthodes, des outils et des offres de formation répondant mieux à la demande du tissu entrepreneurial.
Le coup de pouce à la décharge de Bordes
Le fonds européen de développement régional (Feder) intervient dans le cadre de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale. Sa gestion est confiée aux régions. Sur 7 ans, cela représente 2,5 milliards pour la Nouvelle-Aquitaine. Et grâce à cette enveloppe, nombre de projets, très divers, peuvent accéder à un financement. Exemple pour les collectivités avec la décharge de Bordes à réhabiliter. Le coût de l’opération s’élève à 3 millions et l’Europe va en financer la moitié.
L’aide aux entreprises
Le Feder peut s’adresser aussi au développement économique par des aménagements. À l’instar de Bignalet, la bien connue entreprise familiale de boucherie-charcuterie implantée à Orthez. En 2017, elle a pu intégrer son nouveau laboratoire de transformation à Bellocq, outil dont la réalisation a été soutenue à hauteur de 600 000 euros par l’UE.
Pour rendre moins coûteux l’installation de la fibre
Pour stimuler la croissance économique, l’Europe mise aussi sur l’économie numérique. Et d’encourager ainsi l’expansion des réseaux. Fin 2016, la Commission européenne validait le plan France très haut débit, ce qui permettait à plusieurs porteurs de projets et départements d’espérer des aides pour les installations de prises pour « fibrer » leur territoire. Le 64 fut parmi ceux-là. En signant récemment avec SFR un contrat mirobolant de 377 millions d’euros, le Département s’en sort finalement à bon compte. À côté du soutien de l’Etat et de la Région, l’UE apporte aussi une manne, laissant un reste à charge local estimé à 8,4 millions pour le Département et 3,6 millions pour les communautés de communes.
La recherche sur le climat
Enfin, Bruxelles investit également dans la recherche. Exemple notamment avec le projet Replim où des chercheurs observent les lacs et tourbières sur la chaîne pyrénéenne et leur sensibilité aux variations du climat. D’un coût d’un million d’euros, cette démarche est cofinancée par l’UE et les partenaires du projet.
Plusieurs dizaines de millions d’euros par an pour l’agriculture locale
Difficile de chiffrer avec précision ce qu’apporte l’UE au monde agricole des Pyrénées-Atlantiques. Mais ce sont « plusieurs dizaines de millions d’euros par an » nous confie le président de la Chambre d’agriculture du 64 Bernard Layre.
Dans cette somme, on retrouve les aides à l’économie directe qui concernent les filières céréalières et animales (la PAC), mais aussi les aides structurelles. Parmi ces dernières, notons l’ICHN, l’indemnité compensatrice de handicap, qui compense le handicap naturel. « Quand on est en zone de montagne, ou en zone défavorisée, c’est indispensable. Quel que soit le prix, le marché ne rémunérera jamais le handicap du territoire où cela coûte plus cher pour produire et pour investir. Et évidemment, dans le 64, nous sommes très concernés » explique le dirigeant.
Ensuite, il y a aussi les aides pour les bâtiments, issues du Feader et versées par la Région. « L’accompagnement européen est indispensable à l’économie agricole du département. Même si demain les prix étaient rémunérateurs sur les producteurs, on aurait besoin de soutien » précise Bernard Layre.
Assurance contre la colère du climat
Enfin, pour un agriculteur qui s’assure sur les risques climatiques, une partie d’aides qui vient de Bruxelles. « Indispensable aussi quand on voit les changements climatiques et la fréquence et l’intensité des catastrophes » constate le président. C’est pourquoi pour la prochaine PAC, « notre combat sera au moins de voir le budget et le niveau d’aides maintenus ».