Samedi à Accous, les citoyens ont débattu de la question des transports et des actions possibles pour limiter les camions sur la R134.
Ils étaient plus de 130, samedi après-midi à la salle des fêtes d’Accous, pour participer à la journée citoyenne « Transports et intérêt général » organisée par sept associations. Un moment de débats, préparé depuis longtemps, mais qui a pris un éclairage nouveau après l’accident mortel d’un chauffeur routier sur la R134, à hauteur d’Etsaut, le 27 août dernier.
« Pour tous, ce fut comme un électrochoc » commente un Aspois, « car c’est le premier décès lié au trafic routier depuis l’ouverture du tunnel du Somport. Ce qu’on craignait il y a quelques années arrive…» Depuis, plusieurs actions ont été organisées (et encore ce samedi). « Mais il faut marcher sur deux jambes : opposer des résistances tout en proposant des alternatives. Sinon, cela ne servira à rien » assure un participant.
C’est ainsi, à partir du film « L’intérêt général et moi » que les débats ont été lancés. D’abord en s’interrogeant sur les moyens à disposition pour contrer de grands projets routiers que les citoyens ont le sentiment de se voir imposés « au titre d’intérêts particuliers ». Une participante, commissaire-enquêtrice depuis 10 ans, a rappelé que l’enquête publique était « un outil de démocratie trop peu utilisé alors qu’il peut avoir une influence ».
« MANQUE DE TRANSPARENCE »
« Mais ce n’est qu’un avis consultatif. Et quand l’enquête arrive, tout est déjà ficelé » lui ont rétorqué certains. « Et il y a toujours un manque de transparence. Pour l’A65, on n’a toujours pas à disposition l’analyse financière » pointe Julien Milanesi, co-réalisateur du film. D’autres de prendre aussi l’exemple de la déviation d’Oloron que tous considèrent comme la suite de l’axe E7 prévu jusqu’à Lescar. Une vision routière dépassée pour les intervenants, pointant aussi le coût faramineux rien que pour le barreau Gabarn-Gurmençon qui s’élève désormais à 90 millions d’euros.
« Ce qui faisait consensus il y a 10 ans, quand on voyait une nouvelle route comme du développement économique, ne le fait plus. Avec la crise écologique, une autre conception de l’intérêt général a grandi. Mais les deux visions semblent difficilement conciliables » relève Julien Milanesi.
Passées les déclarations comme celles d’Eric Pétetin vantant les mérites de la décroissance, le sujet de la R134 et des camions est revenu sur le devant de la scène. « Une situation qui était inévitable. On l’avait vue en vallée de la Maurienne, où on s’était rendus quand on avait commencé la lutte contre le tunnel du Somport. C’est bien qu’une nouvelle dynamique se lance », se réjouissait Louisette avant la réunion.
QUELLES ACTIONS À COURT TERME ?
Parmi les actions à court terme, la poursuite du blocage des poids lourds a été évoquée. Certains ont encouragé les maires à suivre l’exemple de Borce qui a pris un arrêté contre la circulation des matières dangereuses sur la R134. « Il n’a pas encore été remis en cause par le préfet » a affirmé Didier Bayens qui l’avait signé quand il était encore maire par intérim. « La R134 passe bien dans le centre-ville d’Oloron et les camions y sont interdits. C’est donc possible » remarque une participante.
« Il ne faut pas non plus hésiter à attaquer toutes les décisions devant les tribunaux, jusqu’à porter les dossiers au niveau de la justice européenne » ajoute un Aspois. « Ce qu’il faut faire casser en premier, c’est l’accord de 2010 de faire rouler les matières dangereuses par le Somport » ont martelé des Espagnols de Jaca. Quant aux alternatives, c’est le train, et le fret grâce au projet de ligne Oloron-Canfranc, que plusieurs ont mis en avant.
OPÉRATION DE SENSIBILISATION SUR LA RN 134
Si certains, en vallée d’Aspe, attendaient les ourses, d’autres guettaient les poids lourds sur la R134, ce samedi midi. Le collectif « Stop aux camions » ne pouvait pas manquer l’occasion de cette journée citoyenne pour organiser une nouvelle manifestation au rond-point d’Accous, la septième depuis l’accident mortel.
Cette fois, l’idée première n’était pas de bloquer le passage des camions, de toute façon quasi inexistant en ce samedi où la route était plus favorable aux redescentes d’estives. « Mais desensibiliser les automobilistes, en tractant et en faisant signer la pétition lancée il y a deux semaines » explique une militante. Cette pétition a déjà recueilli plus de 500 signatures papier et plus de 1 200 en ligne sur change.org. Cela vient compléter celle lancée dès le lendemain du drame, qui en est déjà à près de 2 500 sur mesopinions.com.
C’est ainsi, sous la forme d’un pique-nique géant, et sous les airs d’une batucada, que des Aspois – une grosse soixantaine au rond-point – ont voulu se faire entendre. Les messages eux, étaient clairs : les habitants veulent que soit pris en compte le « véritable coût, humain, social et environnemental du transport routier ». Les banderoles affichées étaient aussi explicites, réclamant des « villes qui respirent », et que cessent de passer sur les routes « des bombes à grande vitesse ».
L’espoir de voir du fret sur la ligne Bedous-Canfranc en 2025
Alors que les régions Nouvelle-Aquitaine et Aragon travaillent à la remise en état et en service de la ligne de chemin de fer entre Oloron et Canfranc, pour plusieurs Aspois, la solution pour réduire le trafic des camions sur la R134 se dessine sur les rails. « Cinq trains par jour suffiraient pour toutes les marchandises qui passent par ici » assure Alain Lalanne, de Code Béarn. « Faire des déviations ne fait que déplacer le problème. Alors que l’alternative ferroviaire est crédible » abonde Jean-Luc Palacio, du Creloc. « Et qu’on arrête de demander si le rail est rentable ! La route l’est-elle ? » La ligne, avant le transport de voyageurs, pourrait ainsi d’abord servir pour le fret. « Et précisons que le tunnel hélicoïdal n’a jamais empêché les trains de passer » ajoute Jean-Luc qui espère une fin des études pour 2020 « et si tout va bien une mise en service pour 2024-2025 ». Pour Serge, un Aspois, ce ne serait qu’un juste retour des choses, « un respect envers nos anciens qui ont créé cette ligne, et en assurant sa pérennité, un respect pour l’environnement et la sécurité des habitants et des générations futures ».